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Définir le harcèlement scolaire et ses implications pour l’éducation, les enseignants et les élèves
La Chaire UNESCO sur le harcèlement et le cyber-harcèlement contribue aux travaux de l’Organisation en faveur d’environnements d’apprentissage sûrs, qui portent sur de nombreuses formes de violence. En collaboration avec le Forum mondial contre le harcèlement, elle a dirigé un groupe de travail international ayant pour mission d’élaborer une définition plus globale et inclusive du harcèlement scolaire. Le professeur James O’Higgins Norman, titulaire de la Chaire, nous fait part de ses réflexions sur cette démarche.
Pourquoi revoir la définition du harcèlement ?
De nombreux programmes de lutte contre le harcèlement à l’école reposent sur une ancienne définition, selon laquelle ce phénomène consiste en une « conduite agressive et indésirable qui se répète et s’inscrit dans un rapport de pouvoir ou de force déséquilibré ». À l’époque, cette définition était révolutionnaire ; elle a fait avancer les travaux des chercheurs, des décideurs, des enseignants et d’autres personnes, mais l’évolution des points de vue a permis de mieux comprendre le harcèlement.
Les recherches démontrent que la lutte contre le harcèlement scolaire progresse lentement, puisque les actes commis n’ont reculé que de 19 % et le nombre d’élèves victimes, de 15 %. Ainsi, nous devons reconsidérer la manière dont nous appréhendons et approchons le harcèlement, en particulier dans notre monde de plus en plus complexe, où le harcèlement en personne et en ligne s’entremêle à des questions personnelles et sociétales.
Que signifie cette nouvelle définition pour les décideurs et les professionnels de l’éducation, la communauté éducative et les élèves ?
La définition proposée promeut une approche globale et inclusive de la lutte contre le harcèlement et les violences à l’école et en ligne.
Une définition plus inclusive peut faire tomber les barrières entre les disciplines et les professions en encourageant la coopération entre les secteurs d’une part, et entre les chercheurs, les décideurs, les enseignants et les élèves d’autre part. Elle fournit des bases solides pour mieux comprendre le harcèlement, en particulier celui dirigé vers les élèves les plus marginalisés en raison de leur apparence, de leur appartenance ethnique, de leur genre, de leur catégorie sociale ou de leur sexualité, entre autres. Le harcèlement est un problème complexe lié à des facteurs individuels, contextuels et structurels, ce qui rend la collaboration indispensable.
Ensemble, nous pouvons mieux comprendre ce phénomène et nous attaquer non seulement aux comportements, mais aussi aux systèmes et aux idéologies qui sous-tendent le harcèlement.
Quel regard posez-vous cette définition améliorée du harcèlement scolaire ?
Ma vision coïncide avec l’objectif de développement durable n° 4 des Nations Unies consacré à l’éducation, dans la mesure où nos travaux sur le harcèlement et toutes les autres formes de violence scolaire visent à assurer à tous une éducation équitable, inclusive et de qualité et des possibilités d’apprentissage tout au long de la vie.
Quel message adressez-vous aux enseignants et aux élèves ?
Aux enseignants et au personnel scolaire : ne normalisez pas le harcèlement. Créez un environnement sûr dans vos salles de classe en communiquant clairement vos attentes en matière de bienveillance et de respect, restez à l’affût des signes de harcèlement, renseignez-vous sur les stratégies de prévention efficaces et intervenez rapidement en cas d’incident. Prenez des mesures fortes contre le harcèlement. Dans le cadre d’une approche scolaire globale, collaborez avec vos collègues et les parents, intégrez l’empathie et la lutte contre le harcèlement au programme d’enseignement et utilisez des méthodes d’apprentissage collaboratives.
Aux élèves : signalez les situations de harcèlement, sachez les reconnaître et y réagir et encouragez les témoins à intervenir. Vous pouvez mettre un terme au harcèlement.
Une nouvelle définition, et ensuite ?
Lors du Forum mondial contre le harcèlement, qui s’est tenu en octobre 2023, le groupe de travail a présenté sa proposition de définition révisée du harcèlement scolaire. La voici :
Le harcèlement scolaire est un processus social néfaste qui se caractérise par une dynamique de pouvoir déséquilibrée, laquelle découle des normes sociales (sociétales) et institutionnelles. Les agissements sont souvent répétés et se manifestent par un comportement interpersonnel indésirable des élèves ou du personnel scolaire, qui cause un préjudice physique, social et émotionnel aux personnes ou aux groupes ciblés ainsi qu’à l’ensemble de la communauté scolaire.
Les délégués présents au Forum ont largement salué cette nouvelle définition inclusive du harcèlement scolaire. La Chaire UNESCO et les intervenants au Forum mondial contre le harcèlement espèrent que cette définition révisée marquera un nouveau tournant dans le débat mondial sur la nature du harcèlement et du cyber-harcèlement et sur les réponses à y apporter.
En ce qui concerne l’UNESCO, la nouvelle définition du harcèlement s’accorde avec notre démarche et notre action visant à faire en sorte que les écoles soient des environnements d’apprentissage sûrs et bénéfiques. Ainsi, pour mettre fin à toutes les formes de violence scolaire, y compris au harcèlement, nous devons nous rendre compte que ces comportements ne sont pas isolés, que les violences reposent sur différents mécanismes et qu’une approche scolaire globale s’avère nécessaire.
Comment avez-vous procédé pour redéfinir le harcèlement ?
En tant que titulaire de la Chaire UNESCO, mon rôle consiste à faciliter la recherche et le dialogue interdisciplinaires et à faire en sorte que le harcèlement soit abordé de manière plus globale. Pour lutter contre le harcèlement, nous recommandons donc d’adopter une « approche scolaire globale », qui tient compte des dimensions individuelles, contextuelles et sociétales.
Avec le soutien de l’UNESCO et du Forum mondial contre le harcèlement, j’ai animé le groupe de travail chargé de réexaminer la définition du harcèlement et je me suis entretenu avec des universitaires, des décideurs et des professionnels du monde entier. Nous avons recueilli l’avis d’un groupe hétérogène et mené de vastes consultations. Ce groupe de travail a été lancé sur du Comité scientifique sur la lutte contre le harcèlement et le cyber-harcèlement, mis sur pied par l’UNESCO et le Ministère français de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.