Cette Table ronde de l’UNESCO a rassemblé des représentants gouvernementaux et du monde du sport, notamment des ministres, organisations sportives, athlètes, défenseurs de l'égalité des genres et des experts. Ensemble, ils ont exploré les défis principaux, discuté des moyens concrets d'élaborer des politiques publiques, des mécanismes et programmes axés sur les victimes, et ont appelé à une action accrue contre les violences sexistes et sexuelles dans le sport.
La violence à l'égard des femmes et des filles n'existe pas en vase clos. Elle trouve sa source au cœur des inégalités structurelles et des discriminations ; elle est ancrée dans des normes sociales toxiques ; et elle est enracinée dans des masculinités malsaines – malsaines pour les femmes, malsaines pour les hommes et coûteuses pour l'ensemble de la société.
Appel à l'action
Les messages clés des parties prenantes réunies lors de la table ronde Fit for Life ont été synthétisées en un Appel à l'Action en 10 points, qui s'appuie sur les recommandations mises en avant dans le Manuel de l'UNESCO et d'ONU Femmes sur la , soutenu par l'Initiative Spotlight des Nations Unies. Le manuel fournit aux décideurs politiques et aux professionnels du sport des stratégies et des ressources pour lutter efficacement contre les violences sexistes et sexuelles.
L'objectif de cet Appel est de favoriser des actions concrètes pour lutter contre la violence à l'égard des femmes et des filles dans le sport, en encourageant les parties prenantes – gouvernements, organisations sportives, médias et supporters – à élaborer et à mettre en œuvre des politiques publiques, des investissements et des activités qui s'attaquent aux causes profondes de la violence, protègent et soutiennent les victimes et tiennent les auteurs de violences responsables de leurs actes.
L'Appel recommande notamment la création d'un cadre de gouvernance centralisé et d'un instrument normatif pour la protection des femmes et des filles dans le sport, afin de garantir des normes de prévention dans le sport qui soient harmonisées et compatibles entre États membres.
Il est temps de changer. Peut-être s'agit-il d'une convention mondiale sur la protection des filles et des femmes dans le sport – une forme de collaboration internationale dont l'UNESCO pourrait prendre la tête – car l'UNESCO est dans une position unique pour combler le fossé qui existe entre les gouvernements et le sport, et pour les aider à faire évoluer ce secteur complexe.
déclarent avoir été victimes d'une forme d'abus sexuel dans le cadre d’une pratique sportive pendant leur enfance
pendant les Jeux Olympiques de Tokyo 2020 visaient les athlètes féminines
Les femmes et les filles jouent un rôle majeur dans le développement durable. Leur sécurité, leur autonomisation, leur participation politique, leur accès à l'éducation et à la santé profitent à des communautés entières et à l'économie. Cependant, les violences sexistes et sexuelles mettent directement en péril leurs opportunités, leur développement et leurs droits humains, y compris le droit de faire du sport et d'en profiter en toute sécurité.
Dans le monde du sport, les femmes et les filles sont confrontées à des risques de violences accrus et à des mécanismes de prévention et de réponse inefficaces ou inadéquats. Pas moins de 21 % des athlètes féminines déclarent avoir été victimes d'une forme d'abus sexuel dans le cadre d’une pratique sportive pendant leur enfance, soit près du double du taux des athlètes masculins. Trop souvent, ces abus ne sont pas signalés – seuls 7 % des femmes dénoncent la violence qu'elles subissent par peur de la stigmatisation, de l'exclusion et des représailles. Malgré des progrès au niveau des politiques de protection des filles et des femmes, d'importantes lacunes législatives subsistent à l'échelle mondiale.
Nous avons tous le pouvoir de changer les mentalités, un par un. Nous le devons à ceux et celles qui souffrent en silence, à ceux et celles qui étouffent leurs rêves et à ceux et celles qui pourraient nous inspirer, si seulement nous leur en donnions l'occasion.
Concevoir et mettre en œuvre des stratégies de protection des filles et des femmes efficaces : l’importance des voix des victimes et du renforcement des capacités
Il est essentiel d'établir des stratégies et des politiques de protection des filles et des femmes solides au sein des organisations sportives et des établissements scolaires. Cependant, seules, les réglementations sont souvent insuffisantes sans la capacité de les mettre en œuvre et de les faire appliquer. Lors de la Table ronde, les intervenants ont souligné l'importance de faire appliquer et de renforcer ces mécanismes en mettant l'accent sur la voix des victimes.
Pour que les mécanismes de signalement soient efficaces, ils doivent être perçus comme crédibles et confidentiels, garantissant aux victimes que leurs signalements sont pris au sérieux. Il est crucial pour les organisations sportives non seulement d’exclure ou suspendre les auteurs d’actes de violence, mais aussi d'offrir un soutien important aux victimes.
Cela nécessite d'investir dans la formation et le renforcement des capacités de tous les acteurs du sport à identifier, prévenir et répondre aux abus. Pour rétablir la confiance et renforcer la sécurité de tous et toutes au sein des environnements sportifs, il essentiel de veiller à la mise en place de processus de signalement clairs et concrets, à l’application stricte des mesures de protection et à la promotion de stratégies politiques centrée sur les victimes.
Il existe différentes formes de violence : verbale, psychologique, physique, sexuelle, toutes perpétrées à une certaine échelle. On parle souvent des formes graves, comme le viol et les coups, mais cela ne commence jamais aussi gravement. Les cris, le harcèlement, les plaisanteries, les sous-entendus sexuels, tout commence par des formes plus légères, et si personne n'arrête les formes légères de violence, cela finira forcément par s’aggraver.
Il faut comprendre que les personnes touchées par des traumatismes dans le cadre d’une pratique sportive doivent faire partie de la solution. Mobiliser et écouter ces personnes, c'est honorer leur histoire, leur expertise, c'est fondamental. Et il n'y a pas de moyen d'aller de l'avant si nous ne nous attaquons pas aux déséquilibres de pouvoir et au manque de confiance.
Combler les lacunes en matière de mesure d’impact et de données sur les violences sexistes et sexuelles dans le sport : l'importance de créer une base solide de connaissances pour des politiques publiques efficaces
Pour élaborer des politiques publiques et des programmes de lutte contre la violence dans le sport efficaces, il est essentiel d'avoir une compréhension globale du problème, étayée par des données et des études scientifiques récentes. Cependant, il existe d'importantes lacunes dans les données, les connaissances et la recherche sur les violences sexistes et sexuelles dans le sport.
Lors de la Table ronde, les décideurs et les experts invités ont discuté de ces défis et ont souligné la nécessité de disposer de bases de données harmonisées et complètes, recueillies dans tous les secteurs.
Par exemple, bien qu'il existe un certain aperçu des sports d'élite, les données contextuelles sur l'éducation physique et le sport de masse sont remarquablement rares. Il est essentiel de comprendre et de concevoir des interventions ciblées non seulement dans les organismes sportifs d'élite, mais aussi dans toutes les ligues sportives, les établissements d'enseignement et les programmes extrascolaires.
En outre, les données doivent être représentatives. Une grande partie des bases de données actuelles est principalement eurocentré, soulignant la nécessité d'un éventail plus large d'informations locales et régionales. Des données plus diversifiées permettront d'élaborer des politiques plus inclusives et intersectionnelles.
Lorsque vous fondez vos politiques sur des données, cela vous permet d'être plus efficace, et vous pouvez faire en sorte que les gouvernements orientent leurs investissements de manière ciblée. Si cette approche a fonctionné pour l'éducation, pourquoi ne l'appliquons-nous pas au sport ?
Communiquer et plaider pour faire évoluer les mentalités : le pouvoir des discours positifs dans le sport
Pour s'attaquer aux causes profondes des violences et des discriminations sexistes dans le sport, il faut changer les discours qui façonnent nos perceptions des athlètes féminines. Lors de la Table ronde, les intervenants ont souligné l'importance d'une représentation équitable et inclusive des femmes dans les médias, ainsi que du rôle actif des hommes et des garçons pour faire évoluer les mentalités et favoriser un changement de comportements au niveau sociétal.
Il est essentiel d’assurer une représentation inclusive et équitable des femmes dans les médias sportifs et aux postes de direction, pour offrir aux jeunes athlètes des modèles à suivre et favoriser la solidarité dans des espaces traditionnellement dominés par les hommes. En amplifiant la voix des femmes dans les récits sportifs et en assurant leur présence dans les rôles décisionnels, nous pouvons remettre en question le statu quo et ouvrir la voie à une culture sportive plus équitable.
De plus, les hommes et les garçons ont un rôle essentiel à jouer dans l'évolution des discours sur l'égalité des genres dans le sport. Les athlètes masculins de haut niveau et autres personnalités sportives doivent utiliser leurs positions d’influence pour faire bouger les lignes, remettre en question les stéréotypes malsains et les masculinités toxiques, et soutenir ouvertement leurs collègues féminines. En participant activement à ces conversations, les hommes peuvent contribuer au développement d’une culture qui valorise et respecte tous les sportifs et les sportives de manière égale.
Mon plus grand privilège en tant qu'homme, c'est mon silence. Nous n'avons pas besoin d'en parler. Je suis le seul ici. Je n'ai pas besoin d'être là . Personne ici ne le remarquerait si je n'étais pas là . Et c'est là une partie du vrai problème — notre silence dans cette conversation.
La table ronde était animée par Benny Bonsu, Directrice du Daily Content (contenu quotidien) chez Olympic Channel Services et Fondatrice de la 3012 Leaders Foundation, avec Kat Craig, Avocate spécialisée en droits humains et Fondatrice et PDG d'Athlead, en tant que rapporteuse de l'événement.
Les discours d'ouverture ont été prononcés par d’éminentes personnalités politiques ainsi que du monde du sport :
- Gabriela Ramos, Sous-Directrice générale pour les Sciences sociales et humaines, UNESCO.
- Elisabeth Moreno, ancienne ministre Déléguée chargée de l'Égalité, de la Diversité et de l'Égalité des chances, France.
- Bárbara Fuertes, Directrice adjointe ‘Femmes et Sport’, Haut Conseil des Sports, Ministère de l'É»å³Ü³¦²¹³Ù¾±´Ç²Ô, de la Formation professionnelle et des Sports, Espagne.
- Emma Oudiou, ´¡³Ù³ó±ôè³Ù±ð professionnelle et militante pour l'égalité.
Lisa Zimouche, Footballeuse freestyle et créatrice de contenu, a également livré un discours et a clôturé la séquence d’ouverture par une performance freestyle. Cette introduction a précédé les différents panels portant sur les « Politiques prioritaires pour un terrain de jeu plus sûr », en présence de :
- S.E. Lindiwe Zulu, Ministre du Développement social, Afrique du Sud.
- Cecilia Safaee, Fondatrice, Fondation Futebol dá Força.
- Joanna Maranhão, Coordinatrice de réseau, Sport and Rights Alliance.
- Lombe Mwambwa, Directrice de la Recherche, Observatoire mondial pour l'égalité des genres et le sport.
- Francine Raveney, Secrétaire exécutive adjointe de l'Accord partiel élargi sur le sport, Conseil de l'Europe.
- Anne-Laure Bonnet, Journaliste sportive indépendante et animatrice de télévision.
- Don McPherson, Ancien joueur de football américain de la NFL et auteur.
Les discours de clôture ont été livrés par :
- S.E. Mme Yuriko Backes, Ministre de l'Égalité des genres et de la Diversité, Luxembourg.
- S.E. M. Jaime Pizarro, Ministre du Sport, Chili, et Président du Comité intergouvernemental de l'éducation physique et du sport de l'UNESCO (CIGEPS).