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Esperanza MartÃnez-Romero : La science est merveilleuse et elle devrait être accessible à toutes et à tous
Donner aux petits exploitants les moyens d’augmenter leur productivité en adoptant des pratiques durables est un enjeu crucial si nous voulons nourrir la population mondiale en pleine croissance. La Professeure MartÃnez-Romero s’attaque à ce défi en exploitant les propriétés des probiotiques dans le but d’améliorer la santé des végétaux. Elle a reçu le en reconnaissance de ses recherches pionnières sur l’utilisation de bactéries respectueuses de l’environnement pour favoriser la croissance des plantes afin d’augmenter la productivité agricole tout en réduisant l’utilisation d’engrais chimiques.
Ses découvertes importantes sur le rôle des bactéries fixatrices de l’azote dans l’augmentation du rendement agricole, en particulier dans la culture céréalière et maraîchère, pourraient contribuer à assurer la sécurité alimentaire mondiale tout en améliorant les conditions de vie des petits paysans. Elles pourraient même conduire à un recul des ventes de fertilisants synthétiques, participant ainsi à la sauvegarde de l’environnement et de la biodiversité.
Elle explique : « Nous vivons tous en symbiose avec des microbes mais ils ont été négligés dans presque tous les écosystèmes. La recherche sur le microbiote n’a changé de paradigme que récemment. » L’azote est essentiel à la bonne croissance d’une plante et abonde dans l’atmosphère, mais pour que la plante puisse le « digérer » efficacement, cet élément porteur de vie doit être transformé par une bactérie qui le fixe.
Le partenariat, ou symbiose, qui s’instaure alors entre plante et bactérie permet au végétal d’optimiser les bienfaits de l’azote. Connu pour son impressionnante diversité végétale, le Mexique, pays natal de la Professeure MartÃnez-Romero, lui a fourni toute la matière première qu’exigent ses recherches. Elle s’est plus particulièrement penchée sur deux cultures fondamentales du pays, les haricots et le maïs, explorant les interactions entre plantes et bactéries à l’échelle moléculaire. Elle a notamment mis en lumière la relation symbiotique entre les Rhizobia (bactéries aérobies du sol) et diverses légumineuses hôtes, comme les haricots, qui permet à la bactérie de se nourrir des racines de la plante tout en lui fournissant de l’azote par l’intermédiaire des nodosités racinaires. La Professeure MartÃnez-Romero cherche à comprendre l’expression génique des bactéries afin d’acquérir une vision globale de leur génome. Elle s’intéresse également aux implications, en termes d’évolution des espèces, des processus de « transfert horizontal » qui font qu’une bactérie peut échanger ses gènes.
En 1991, elle a découvert que la souche Rhizobium tropici pouvait fournir de hautes doses d’azote aux légumineuses, plantes les plus consommées dans le monde, même dans les pires conditions (sol acide, pollué aux métaux, températures élevées...). Grâce à son travail, le Rhizobium tropici est devenu l’inoculum de prédilection des fermiers dans de nombreux pays. Au cours de sa remarquable carrière, elle n’a en effet pas ménagé ses efforts pour aider les petits agriculteurs à adopter les biofertilisants, notamment en éditant un manuel pratique et en donnant de multiples conférences.
Esperanza MartÃnez-Romero a toujours été encouragée par ses parents à suivre une voie scientifique. Sa mère, directrice d’une école élémentaire de Mexico, l’a poussée dans ses études tandis que son père lui a partagé ses livres sur la zoologie dès son plus jeune âge, lui instillant ainsi l’amour de la nature. Elle a choisi de consacrer ses études à la science biomédicale et a entamé son parcours à l’Institut de recherche sur la fixation de l’azote de l’université nationale du Mexique, à Mexico, où est née sa fascination pour les effets bénéfiques des bactéries sur les plantes.
Elle vécut son moment « Eurêka ! » quand elle mit en évidence les similitudes entre le microbiote intestinal humain et le microbiote racinaire.
La Professeure MartÃnez-Romero confie que son rêve scientifique est de « finir par obtenir des bactéries qui favorisent la croissance des végétaux tout en les protégeant des attaques d’insectes et de champignons nuisibles dans les exploitations agricoles », soulignant comme il est difficile de transposer les expériences de laboratoire sur le terrain avec succès. Elle a étendu son champ d’investigation aux relations symbiotiques entre certaines bactéries et des insectes mexicains indigènes, comme la cochenille carmin, dans lesquelles les bactéries fixent l’azote et permettent à leurs hôtes de produire davantage de vitamines et d’acides aminés essentiels. Au-delà de cela, « j’adorerais voir des animaux comme les poissons fixer l’azote. Ce serait un moyen moins coûteux d’élever des poissons à plus forte teneur en protéines, bénéfiques pour la santé humaine. »
Son travail s’est enrichi de nombreuses collaborations. La plus ancienne, avec l’université belge de Louvain, lui a permis de décrocher une bourse de recherche conséquente et de créer un programme d’échange étudiant qui existe encore aujourd’hui. Elle travaille actuellement sur la pauvreté en zone rurale avec des chercheurs de l’université nationale agraire La Molina, au Pérou, dans l’objectif d’augmenter le rendement des terres dans les deux pays grâce à la mise en commun des connaissances sur les échanges bénéfiques entre bactéries et plantes hôtes.
Si les préjugés liés au genre ne l’ont pas freinée dans sa carrière professionnelle, la Professeure MartÃnez-Romero reconnaît le défi que représentent les conférences, groupes de décideurs et comités de récompenses, majoritairement composés d’hommes.
Il lui tient à cœur d’encourager les jeunes femmes à davantage choisir une carrière scientifique : « Dans un laboratoire, il n’y a pas de différence entre les scientifiques hommes et femmes. » Elle a notamment coordonné un programme de premier cycle en sciences génomiques pendant six ans, soutenant des étudiantes et des étudiants, et elle est fière du succès remarquable de ses anciennes élèves aujourd’hui diplômées, au Mexique et dans le monde.
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