Article
UNESCO-Italie : Tout faire pour protéger la Qadisha et en faire une destination vivante
C’est au village libanais de Becharré, réunis autour d’une longue table en bois de chêne donnant sur la vallée sainte de la Qadisha, que des jeunes randonneurs partagent un repas dans une maison d’hôtes sous le soleil cuisant de juillet. Animées et joyeuses, leurs discussions se concentrent sur la marche qu’ils ont entamée tôt le matin et qu’ils viennent de terminer, dans cette vallée du Nord du Liban, et dont ils essaient de percer tous les secrets. Originaires de la région et des localités avoisinantes, ces jeunes étudiants universitaires participent à un entrainement de plusieurs jours organisé par le bureau régional de l’UNESCO de Beyrouth, et qui a pour but de former des guides touristiques pour accompagner les randonneurs au cœur de la vallée, à travers trois sentiers historiques récemment réhabilités par l’UNESCO et qui permettent de découvrir le site par des accès différents.
La vallée de la Qadisha renferme en effet des siècles d’histoire liés aux premiers jours du christianisme dans le monde. Citée dans les Ecritures, elle offre des paysages extraordinaires et est inscrite depuis 1998 au patrimoine mondial de l’UNESCO, qui œuvre jusqu’à ce jour à la conservation du site ainsi que sa valorisation, à travers des initiatives autour de ses sentiers escarpés, ses monastères et son patrimoine culturel. « Cette vallée revêt une importance toute particulière pour l’UNESCO dans la région, explique Joseph Kreidi, Spécialiste du Programme Culture à l’UNESCO Beyrouth. Il nous importe de préserver et de conserver ce site, son âme et son authenticité, tout en le mettant en valeur pour qu'il reste une destination vivante. C’est ainsi que nous avons choisi, avec le soutien de l’Italie, de réhabiliter trois sentiers, dont deux mènent à deux monastères extrêmement importants que nous avons également réhabilités. Le but ultime est de créer un impact économique positif pour les communautés locales, d’où la nécessité de former ces jeunes étudiants à devenir des guides touristiques dans la Qadisha. »
La formation offerte par la Lebanon Mountain Trail (LMT) englobe ainsi des sessions autour de l’Histoire de la vallée, la forêt des Cèdres avoisinante, l’importance de l’inscription sur la liste du patrimoine mondial, les premiers secours, l’équipement, les techniques de mapping GPS ou encore le changement climatique. Les cours ont lieu en forêt ou à la maison d’hôtes gérée par Hani Rahmé, le propriétaire, qui observe avec bienveillance les déplacements du groupe. « Cela me fait plaisir de voir cette nouvelle génération investie dans le patrimoine, dit-il, et il va de soi que l’essor touristique dans la vallée ne peut avoir que des répercussions économiques positives sur nos commerces avoisinants ».
Des participants conquis
Alors que des participants planifient déjà une nouvelle randonnée dans la vallée, Maria, une jeune étudiante, confie : « Il m’importe que les habitants de mon village, Mazraat en-Nahr, découvrent ces sentiers jusque-là méconnus ou impraticables et les préservent. Il faut aussi que des visiteurs les utilisent. Ces sentiers ne subsisteront pas si nous ne les empruntons pas ». Pour sa part Dany, 26 ans, originaire de Becharré, assure : « J’ai grandi ici et j’ai marché cette vallée de bout en bout. C’est le patrimoine de mes ancêtres, une terre sainte. Tout ce qui a trait à elle m’intéresse et j’aimerais poursuivre les cours d’entrainement avec la LMT pour devenir un vrai guide touristique entièrement qualifié, et rencontrer des personnes qui partagent avec moi les mêmes intérêts. Les entraineurs sont professionnels et constituent une vraie mine d’information ».
Dans l’après-midi, les participants suivent une dernière session sur la flore inestimable que l’on retrouve au cœur de la Qadisha, avant une cérémonie de remise de certificats. L’occasion pour eux de faire le point sur cette expérience enrichissante. « Je remercie l’UNESCO et la LMT pour toutes les informations qui nos ont été communiquées de manière pédagogique, et pour ce projet qui va encourager le tourisme dans notre région », affirme Omar. De son côté, Youssef déclare : « Cette formation nous a donnés de la joie, un savoir, une culture et des opportunités de travail. » Nathalie Bou Younes, de l’Union des municipalités de la région, indique en effet que les noms des personnes entrainées par l’UNESCO seront communiqués aux municipalités pour créer des opportunités de travail. « Il existe une demande croissante pour les randonnées dans la Qadisha et ces sentiers ont été transformés par l’UNESCO pour permettre aux visiteurs de découvrir ce site tout en préservant l’environnement », dit-elle.
Protection des forêts
Outre la formation des guides touristiques, le bureau de l’UNESCO à Beyrouth a également offert, en partenariat avec l’Agence italienne pour la coopération et le développement, un entrainement sur la prévention des forêts et des incendies. Des gardes municipaux, des membres de la Défense civile ainsi que de jeunes volontaires ont pu être coachés par des professionnels de l’AFDC sur les meilleurs moyens de prévenir ou contenir un incendie en attendant l’arrivée des pompiers.
« Il est très important de donner ce genre d’entrainement aux communautés locales afin qu’elles puissent épauler les pompiers, même si l’équipement nécessaire n’est pas disponible, explique Wael Mostafa, entraineur au sein de l’association. Nous sensibilisons ces personnes à travers des informations cruciales pour protéger la vallée et elles pourront apporter un soutien logistique précieux en cas de sinistre. Le but d’une équipe de première urgence est d’arriver sur les lieux et de faire en sorte que l’incendie qui commence ne se transforme pas en catastrophe. » Sur ce plan, Wael assure que la densité végétale au sein de la Qadisha ainsi que la diversité de la flore augmentent le risque d’incendie et que de nombreux éléments compliquent les choses. « En cas de sinistre, ce site est protégé ce qui signifie qu’il est interdit d’ouvrir des brèches ou des routes dans la végétation, assure-t-il. Cela est difficile car toute manœuvre doit se faire manuellement avec des pompes à eau. A Qadisha, il faut donc compter sur l’éveil de la communauté locale qui est un facteur-clé, surtout si les habitants vivent de commerces autour du site. Un autre avantage est l’aspect religieux qui renforce l’affection des villageois pour leur vallée. »
Au terme de la formation, un matériel et des équipements nécessaires pour prévenir et combattre les incendies sont offerts par l’UNESCO et l’Italie à la localité, et sont mis à la disposition de l’Union des municipalités de Becharré. Une journée de nettoyage des sentiers et de la ville de Hadchit a également réuni de jeunes enfants de la région, dans un souci de les sensibiliser à l’importance de préserver la Qadisha et ses villages avoisinants, qui constituent, à bien des égards, une richesse mondiale. « L'UNESCO est privilégiée d'avoir l'opportunité de réaliser un projet aussi unique dans la vallée de la Qadisha, assure Costanza Farina, directrice du bureau régional de l'UNESO à Beyrouth. Le partenariat stratégique avec l'Italie, reconfirmé dans ce projet, témoigne de l'importance cruciale d'investir dans le patrimoine culturel en tant que valeur partagée et source d'inspiration pour l'avenir. Je suis convaincue que les graines plantées chez ces participants motivés conduiront à une implication et un engagement accrus des jeunes et des communautés locales dans la préservation de la vallée. Mais nous espérons que cela leur offrira également de nouvelles opportunités d’emploi dans un contexte où nous constatons un intérêt croissant impressionnant de la part des Libanais et des non-Libanais pour la découverte de la nature fascinante du Liban. »