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Rendre les communautés autonomes : comment les lauréats des Prix d’alphabétisation de l’UNESCO créent des liens grâce à l’apprentissage multilingue
À l’occasion de la Journée internationale de la langue maternelle, qui est célébrée le 21 février, d’anciens lauréats des Prix internationaux d’alphabétisation de l’UNESCO nous présentent leur travail en faveur de l’interaction, l’unité et la diversité culturelle grâce à l’alphabétisation multilingue.
Au Tchad, dans un contexte d’apprentissage pourtant difficile, la (anciennement connue sous le nom de Fédération des Associations pour la Promotion des Langues du Guéra), lauréate du Prix UNESCO-Roi Sejong d’alphabétisation en 2013, s’appuie sur les langues nationales pour s’attaquer à des problèmes critiques tels que le fort taux d’abandon et d’échec scolaire dans le pays. Ses travaux jouent un rôle essentiel dans la réforme de l’éducation au Tchad. La fédération a notamment mis en place quatre programmes, qui promeuvent respectivement l’alphabétisation des adultes, l’éducation préscolaire, une éducation non formelle de base pour les enfants non scolarisés âgés de 9 à 14 ans et une formation technique spécifique pour les apprenants post-alphabétisation. Ensemble, ces programmes couvrent presque tous les groupes d’âge et constituent un bon exemple d’apprentissage intergénérationnel. Michel Karim, directeur de la Fédération, a déclaré à l’occasion de la Journée internationale de la langue maternelle : « Tous les locuteurs de chaque langue d’Afrique et du reste du monde doivent mettre en avant la promotion de leur langue maternelle, car c’est elle qui les portera sur la voie du développement. »
au Sri Lanka a reçu en 2015 le Prix UNESCO-Roi Sejong d’alphabétisation pour son programme École ouverte. Celui-ci propose des cours en singhalais et en tamoul, deux langues nationales au Sri Lanka, avec l’anglais comme lien. Il a permis de donner des cours d’alphabétisation et d’enseignement secondaire à près de 2 100 élèves. Les élèves multilingues jouent le rôle de passerelle pour transmettre des traditions multiculturelles au reste de la société et ainsi favoriser l’unité et l’harmonie entre ethnies. Comme l’a déclaré M. Dunaisingh, directeur de l’unité École ouverte de l’Institut, « l’humanité est commune au monde entier, et ce même si les humains se différencient par leur langue, leur religion ou leur couleur de peau. Chaque langue est importante et devrait bénéficier d’initiatives appropriées pour la soutenir ».
En Espagne, la , lauréate du Prix UNESCO-Confucius d’alphabétisation en 2018, aide chaque année 4 000 personnes et propose des cours d’espagnol aux migrants ainsi qu’aux enfants des minorités en âge d’aller à l’école. Dans toutes ses activités, la fondation part du principe que l’espagnol est un outil essentiel pour aider les migrants et les réfugiés à s’intégrer à la société locale. Il leur permet de prendre connaissance de leurs droits et de leurs responsabilités et d’accéder aux ressources et aux systèmes d’aide disponibles dans le pays tout en leur ouvrant également des possibilités, quel que soit leur âge. « Notre langue fait partie de notre identité. Elle renforce nos racines et nous aide à nous faire sentir comme des membres à part entière de notre famille, de l’environnement et de la société. Apprendre une autre langue ne nous éloigne pas de nos ancêtres : cela nous permet de tisser de nouveaux liens, de grandir et d’accueillir d’autres personnes au sein de notre nouvelle famille », a déclaré Angeles Rodes Lafuente, responsable de projet à la fondation.
L’Institut Molteno pour les langues et l’alphabétisation en Afrique du Sud a reçu en 2022 le Prix UNESCO-Confucius d’alphabétisation pour son programme Préparation à l’école par la participation communautaire. En suivant un principe de multilinguisme basé sur la langue maternelle, ce programme utilise la langue maternelle des apprenants comme langue d’enseignement pour l’éducation préprimaire. Apprendre dans sa langue maternelle permet de réduire l’écart entre vie à l’école et vie en famille, ce qui donne la possibilité aux parents de contribuer à la continuité de l’apprentissage et favorise l’estime de soi des enfants, la vitalité des langues autochtones et un enracinement de l’ethos culturel. À l’occasion de la Journée internationale de la langue maternelle, Masennya Dikotla, directeur de l’Institut, a invité les parents et les enseignants à « parler aux enfants dans leur langue maternelle » et à les laisser utiliser cette langue « pour apprendre une ou deux langues supplémentaires ».
En 2023, la , lauréate du Prix UNESCO-Roi Sejong d’alphabétisation, a créé au Pakistan le Himalayan Literacy Network (Réseau d’alphabétisation de l’Himalaya) afin de permettre à ses élèves de recevoir un enseignement multilingue. Les cours sont d’abord donnés en gojiri, la langue maternelle des apprenants, puis en ourdou, la langue nationale, et enfin en anglais. Une telle approche multilingue de l’enseignement favorise fortement l’apprentissage intergénérationnel. En effet, les élèves participant au programme transmettent les connaissances qu’ils acquièrent à leurs jeunes frères et sœurs ou à leurs propres enfants afin de permettre à ceux-ci d’interagir avec d’autres cultures. Ils se voient aussi confier des informations nouvelles et importantes à transmettre à leurs parents et à leurs grands-parents, ce qui permet à toutes les générations de communiquer au-delà de leurs communautés isolées. Les programmes adoptant une approche multilingue sont « un moyen plus complexe, mais plus gratifiant, de donner aux élèves les outils dont ils ont besoin pour s’épanouir dans le monde qu’ils vont bientôt diriger », a déclaré Shahid-ur-Rehman, directeur exécutif de la Société pour la langue et la culture gojiri.
Le au Bangladesh a reçu le Prix UNESCO-Confucius d’alphabétisation en 2023. Dans le cadre de ce programme, l’ONG Friendship élabore des manuels scolaires dans la langue nationale, le bengali, et aide les élèves à apprendre l’anglais grâce à des activités telles que « Listen to Learn » (Écouter pour apprendre), des clubs scolaires, des rencontres sportives interétablissements et des compétitions culturelles. Tous ces efforts permettent de préserver le patrimoine linguistique et l’identité culturelle des apprenants. Après avoir reçu le Prix, Friendship a également lancé des projets visant à renforcer l’alphabétisation numérique et à promouvoir les échanges culturels avec des élèves du monde entier. À l’occasion de la Journée internationale de la langue maternelle, Mahbubur Rahman Turza, directeur adjoint du développement des partenariats du programme, a déclaré « মায়ের ভাষায় শপথ করি, শিশুর সুশিক্ষা নিশ্চিত করি। » (Je promets dans ma langue maternelle d’assurer une éducation de qualité à chaque enfant).
Nos langues maternelles sont des passerelles qui nous relient à nos origines et à nos liens familiaux, tandis que l’acquisition d’autres langues nous ouvre des portes vers la richesse culturelle du monde. Maîtriser plusieurs langues élargit notre horizon et nous aide à naviguer dans un monde diversifié et interconnecté. À notre époque d’inclusivité croissante, un socle multilingue basé sur la langue maternelle permet de combler le fossé entre liens familiaux et réseaux sociétaux plus vastes. De plus, la diversité linguistique joue un rôle essentiel dans la transmission fluide des savoirs et des traditions d’une génération à une autre et contribue ainsi à la riche tapisserie qu’est notre patrimoine collectif.
L’UNESCO décerne deux prix internationaux d’alphabétisation : le Prix UNESCO-Roi Sejong d’alphabétisation, créé en 1989 avec le soutien du Gouvernement de la République de Corée, qui accorde une attention particulière au développement de l’alphabétisation en langue maternelle ; et le Prix UNESCO-Confucius d’alphabétisation, créé en 2005 avec le soutien du Gouvernement de la République populaire de Chine, qui met l’accent sur l’alphabétisation fonctionnelle des adultes en milieu rural et des jeunes non scolarisés, en tirant parti des environnements technologiques.