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L'UNESCO adopte une approche ascendante de la gestion de l'eau

La consommation mondiale d'eau devrait augmenter de 1% par an au cours des 30 prochaines années, sous l'effet de la croissance démographique et de l'élévation du niveau de vie. Le défi consistera à répondre « à ces besoins croissants sans épuiser, polluer ou confisquer les ressources en eau », a déclaré la Directrice générale de l'UNESCO, Audrey Azoulay, lors du neuvième Forum mondial de l'eau, qui s'est tenu à Dakar (Sénégal) en mars. « La sécurité de l'humanité est en jeu », a-t-elle averti, « surtout en cette période d'accélération du changement climatique. »
La fillette et l'eau

Pour l'UNESCO, répondre à ces besoins croissants de manière durable passe par l'adoption d'une approche ascendante qui associe l'éducation à l'eau dès le plus jeune âge à l'implication des communautés locales et des jeunes experts locaux en eau.

Le stress hydrique, un problème répandu

Environ 400 millions de personnes en Afrique subsaharienne n'ont actuellement pas accès à l'eau potable, selon l'édition 2022 du Rapport mondial sur la mise en valeur des ressources en eau, produit par le Programme mondial pour l'évaluation des ressources en eau de l'UNESCO au nom de l'ONU-Eau et lancé par la Directrice générale de l'UNESCO, Audrey Azoulay, à Dakar en mars dernier.

Un africain sur trois est confronté au manque d'eau et, selon le rapport 2018 du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), le stress hydrique touchera environ 600 millions d'africains d'ici 2025.

Toutefois, le stress hydrique ne se limite pas à l'Afrique ou aux États arabes. Il se fait également sentir dans certaines parties du bassin méditerranéen, en Asie, en Europe et dans les Amériques. Cela a conduit de plus en plus de pays à chercher sous leurs pieds la solution à leurs besoins croissants en eau. La région Asie-Pacifique est actuellement en tête du classement pour le taux d'extraction des eaux souterraines, suivie par l'Europe et l'Amérique du Nord, puis la région arabe. L'Amérique latine, qui reste riche en eau, est à la traîne, tout comme les Caraïbes et l'Afrique.

Le thème du Forum mondial de l'eau de cette année - La sécurité de l'eau pour la paix et le développement - reflète une situation dans laquelle les besoins mondiaux en eau augmentent rapidement, alors même que la disponibilité mondiale d'eau douce devient plus aléatoire en raison de la croissance de la population humaine, du changement climatique et de la mauvaise gestion des ressources.

L'éducation est essentielle pour améliorer la gestion et la gouvernance de l'eau

Abou Amani est convaincu que la solution à cette énigme consiste à rendre chacun responsable de l'eau, quel que soit son âge. Pour le directeur de la division de l'eau de l'UNESCO, qui est également secrétaire du Programme hydrologique intergouvernemental de l'UNESCO, l'un des outils clés pour améliorer la gestion et la gouvernance de l'eau est l'éducation, dès l'école primaire.

 

la gestion de l'eau devrait être l'affaire de tous. Nous devons éduquer les gens à tous les niveaux car il ne s'agit pas seulement de savoir-faire technique, mais aussi de changer les mentalités. Ce changement d'attitude à l'égard de l'eau doit se produire à tous les niveaux et doit commencer dès le plus jeune âge

Abou AmaniDirecteur, Division des sciences de l'eau et secrétaire du Programme hydrologique intergouvernemental (PHI) de l'UNESCO
Education sur l'eau avec les enfants

Abou Amani explique à un groupe d'écoliers pourquoi il est si important de prendre soin de l'eau, au pavillon de l'UNESCO lors du Forum mondial de l'eau à Dakar, Sénégal, en mars 2022.

Abou Amani explains to a group of schoolchildren why it is so important to take good care of water, at the UNESCO pavilion during the World Water Forum in Dakar, Senegal, in March 2022

Les communautés locales font partie de la solution

C'est pourquoi l'UNESCO ne soutient pas seulement l'introduction de l'éducation à l'eau dans les écoles, mais prévoit également d'utiliser ses sites désignés pour impliquer les communautés locales dans ce projet. L'UNESCO coordonne un réseau de , où la communauté s'est engagée à suivre la voie d'un développement plus durable.

Un projet a été mis en œuvre avec les communautés locales de la Réserve de biosphère de Chimanimani, au Zimbabwe, au lendemain de la dévastation causée par le cyclone Idai en 2019, afin d'identifier les risques pour leur sécurité hydrique liés aux inondations, aux cyclones et autres catastrophes liées à l'eau, et de concevoir des voies d'adaptation en phase avec les besoins locaux.

Le Dr Axel Laurel Tcheheumeni Djanni, un jeune expert en eau du Cameroun et maître de conférences à l'Université Cheick Anta Diop du Sénégal, est d'accord pour utiliser l'éducation afin d'accroître la participation des communautés à la gouvernance et à la gestion de l'eau. Il pense également que l'éducation sur les eaux souterraines devrait être ajoutée au programme des écoles et enseignée dans les communautés.



 

J'étais un jour avec des anciens de la communauté, dit-il, qui pensaient que tout ce qui est jeté sur la terre n'affecte pas l'eau souterraine, car le sol la filtre. Mais ce n'est pas vrai. Nous avons dû démontrer ce fait en utilisant un aquifère que nous avions fabriqué avec un aquarium.

L'entretien des eaux souterraines n'est pas quelque chose de très connu ici au Sénégal et même dans le monde. C'est pourquoi le thème du Rapport mondial sur la mise en valeur des ressources en eau de cette année - rendre l'invisible visible - a une telle résonance. 

Dr Axel Laurel Tcheheumeni DjanniJeune expert en eau et professeur à l'Université Cheick Anta Diop du Sénégal

Le rapport indique que « l'éducation des jeunes et l'assurance que leurs voix soient entendues sont vitales pour le succès futur de la gestion des eaux souterraines dans le monde. Â» Il poursuit en disant que « des programmes scientifiques et éducatifs sur les eaux souterraines dotés de ressources suffisantes sont nécessaires pour former les gestionnaires et que la gouvernance et la politique doivent créer un environnement favorable à la gestion. Â»

Pour le Dr Tcheheumeni, l'adoption d'une approche ascendante de la gestion et de la gouvernance de l'eau contribuera grandement à résoudre la crise croissante de l'eau, notamment en Afrique. Un tel système, dit-il, permettra aux communautés de proposer des mesures adaptées aux besoins de leur population et à leur situation géographique pour résoudre les problèmes d'eau dans leurs communautés. Le jeune expert en eau estime que, même dans le cadre de cette approche ascendante, l'éducation doit être utilisée pour autonomiser les populations autochtones et que cette éducation doit être équilibrée entre les sexes et adaptée aux réalités et aux besoins linguistiques des communautés.

Axel Tcheheumeni en discussion avec les medias
Axel Tcheheumeni discusses groundwater management with the media at the UNESCO pavilion during the World Water Forum in Dakar, Senegal, in March 2022.

Les voix des jeunes experts locaux en eau doivent être entendues

« Ce qui a manqué au Forum mondial de l'eau cette année, ce sont les voix des jeunes experts locaux de l'eau Â», observe le Dr Tcheheumeni. « Nous avons été un peu mis sur la touche lors de cet événement. De nombreux jeunes experts en eau du Sénégal et de toute la région n'ont pas été en mesure de faire entendre leur voix. L'aspect intergénérationnel de la gouvernance de l'eau doit toujours être pris en compte. L'avantage de faire entendre davantage la voix des jeunes est qu'ils sont les futurs gestionnaires de l'eau et qu'ils ont la possibilité d'utiliser les données disponibles du passé et de les ajouter à celles du présent et du futur, afin de mieux gérer cette ressource partagée qu'est l'eau. Â»

Pour lui, donner une voix aux jeunes ne se limite pas à donner une voix aux réseaux internationaux de jeunes, mais signifie également étendre les mêmes privilèges aux jeunes des groupes et communautés autochtones, notamment en Afrique.

L'UNESCO considère qu'il est prioritaire de former davantage de professionnels de l'eau en Afrique, afin que le continent puisse assurer sa propre sécurité hydrique. C'est pourquoi le Programme hydrologique intergouvernemental est en train de développer un indicateur de l'éducation à l'eau afin de faciliter l'évaluation et le suivi par les pays de la masse critique de leurs professionnels de l'eau.

Le rythme rapide du changement climatique mondial incite les dirigeants de la planète à rechercher des solutions durables pour protéger une ressource qui nourrit toute vie et sous-tend l'agriculture et l'industrie. Dans les mois à venir, l'UNESCO fera valoir la nécessité d'une approche ascendante de la gestion de l'eau lors des grandes conférences des Nations Unies, à commencer par le en décembre de cette année, puis lors de la en mars 2023, qui procédera à un examen à mi-parcours des progrès réalisés dans la mise en œuvre de la Décennie internationale d'action sur l'eau pour le développement durable.