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Histoire

‘Super coraux’ thermorésistants : un espoir pour l’avenir des récifs coralliens ?

Dans l’atoll de Tatakoto en Polynésie française, une concentration de ‘super coraux’, capables de résister à des épisodes de chaleur intense ainsi qu’à des fluctuations de températures extrêmes, a été révélé grâce à des expéditions soutenues par l’UNESCO, le Labex Corail et l’université de la Polynésie française (UPF).

L’atoll de Tatakoto, situé à plus de 1000 kilomètres de Tahiti, présente à première vue des conditions peu propices à la survie des coraux. Un lagon semi-fermé, connecté à l’océan uniquement par de petits chenaux, ne permet qu’un brassage minimal avec les eaux qui l’entourent, et provoque des variations de température extrêmes, de 3 à 4°C par jour, pouvant atteindre des maximales de presque 35°C.

Pourtant, des expéditions soutenues par l’UNESCO, le Labex Corail et l’UPF en partenariat avec les laboratoires du CRIOBE et de SECOPOL, et 1 OCEAN, indiquent que des dizaines d’espèces de coraux prospèrent dans ce milieu instable, parfois à moins d’un mètre de profondeur.

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Ces missions, qui explorent les capacités d’adaptation des coraux dans des environnements extrêmes, sont menées par la chercheuse Laetitia Hédouin, directrice de recherches au CNRS et spécialiste de l’écologie des récifs coralliens. Ses travaux visent à comprendre les mécanismes de résilience des coraux face aux pressions environnementales, notamment le changement climatique.

Depuis ses débuts, ce projet est documenté par Alexis Rosenfeld, photographe et explorateur. Il suit de près l’évolution des récifs et leurs transformations aux quatre coins du globe. Un important travail avait déjà été mené avec l’UNESCO à travers le projet « Récifs coralliens, un enjeu pour l’humanité », qui a permis de révéler l’état de ces écosystèmes essentiels et les menaces auxquelles ils sont confrontés.

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À Tatakoto, les coraux habituellement fragiles résistent le mieux

Un phénomène surprenant a été observé : les types de coraux habituellement les plus fragiles y résistent davantage que d’autres coraux plus résistants. Contre toute attente, ces expéditions ont observé que les Acropora – souvent les premiers coraux à blanchir et mourir en raison de leur structure fine, ramifié et de leur croissance rapide – ont survécu en grand nombre lors du dernier épisode de chaleur intense, comparé aux Pocillopora, connus comme étant plus robustes grâce à leur structure dense en forme de chou-fleur.

Cette rare inversion des susceptibilités habituelles vient renforcer d’autres études, menées notamment à Palau, où des Acropora provenant de sites à forte variabilité thermique quotidienne présentaient une tolérance thermique accrue par rapport à celles de zones plus stables, suggérant que l'exposition à des variations de température peut renforcer la résilience de certains coraux. Ainsi, des espèces traditionnellement considérées comme vulnérables pourraient jouer un rôle clé dans les stratégies de conservation face au changement climatique.

Comprendre l’origine de la thermorésistance

Depuis 2021, six missions ont été réalisées à Tatakoto pour déterminer si cette résistance exceptionnelle est due à une acclimatation temporaire et contextuelle, ou à une adaptation génétique durable qui serait transmissible de génération en génération. Des boutures de coraux prélevées à Tatakoto ont été transplantées à Moorea, un autre archipel à l’environnement plus classique, afin d’observer leur comportement hors de leur habitat d’origine.

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Si les coraux de Tatakoto survivent à cette migration assistée, l’atoll pourrait représenter un précieux réservoir d’espèces thermorésistantes qui pourraient contribuer à restaurer des récifs endommagés ailleurs dans le monde.

Des études menées dans d’autres régions du monde confirment que certains coraux présentent également une résistance remarquable aux vagues de chaleur marine. Dans le Golfe d’Aqaba notamment, les coraux ont démontré une tolérance exceptionnelle à des températures pouvant excéder 30°C, sans subir de mortalité massive, même lors des épisodes de réchauffement de 2015 et 2019.

Également, des coraux observés Ã  plus grande profondeur – entre 30 et 60 mètres – dans des régions comme les Caraïbes et la Grande Barrière de corail montrent également un certain degré de résistance thermique. Bien que ces récifs ne soient pas totalement épargnés, leur relative protection contre les températures de surface extrêmes ouvre de nouvelles perspectives de recherche et de conservation.

Les récifs coralliens, sentinelles en danger

À l’échelle mondiale, les récifs coralliens sont en première ligne du dérèglement climatique. Le réchauffement des océans provoque des épisodes de blanchissement : les coraux, stressés par la chaleur, expulsent leurs microalgues symbiotiques, perdent leur couleur, et meurent s’ils ne parviennent pas à récupérer.

Le dernier rapport du GIEC alerte que plus de 90 % des récifs pourraient disparaître d’ici 2050. Ce serait un effondrement écologique et humain : ces refuges de biodiversité abritent 25 % de la vie marine, protègent les côtes de l’érosion et soutiennent l’alimentation et les économies de millions de personnes.

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L’UNESCO au cœur de la protection des récifs coralliens

Ce projet s’inscrit dans le cadre plus large des efforts menés par l’UNESCO pour. Les données et recherches de (ICRI) viennent directement alimenter le Système mondial d’observation de l’océan (GOOS), vaste réseau international de surveillance marine coordonné par l’UNESCO. Ce travail à échelle planétaire permet de suivre l’état de santé des récifs et de définir des outils de mesure pour leur préservation.

Les récifs sont également intégrés comme écosystèmes clés dans les programmes de carbone bleu de l’UNESCO, soutenus par l’Australie et la France, qui visent notamment à quantifier et restaurer les puits de carbone marins dans le cadre de la lutte contre le changement climatique. Exemple phare de coopé°ù²¹³Ù¾±´Ç²Ô&²Ô²ú²õ±è;multilaté°ù²¹±ô±ð, l'initiative  est un partenariat mondial pour aider les 29 récifs du patrimoine mondial et les communautés qui en dépendent à s'adapter au changement climatique en réduisant les menaces locales. 

Les expéditions menées à Tatakoto, ainsi que les expérimentations en matière de migration assistée, illustrent les nouvelles approches explorées dans le cadre de la Décennie des sciences océaniques des Nations Unies pour le développement durable (2021–2030), coordonnée par l’UNESCO. Lors de la Conférence des Nations Unies sur l’océan Ã  Nice, en juin 2025, gouvernements, scientifiques et partenaires seront réunis pour faire progresser l’action collective en faveur de l’océan.