L’eau est un bien public, mais elle n’est pas illimitée. Trop souvent considérée comme acquise, cette ressource précieuse est aujourd’hui menacée par le changement climatique et la pression démographique croissante. Sécheresses, inondations, pollution : les déséquilibres s’intensifient, rendant plus urgente que jamais la nécessité d’une gestion durable et équitable de l’eau à l’échelle mondiale.
Pour sensibiliser les jeunes à ces enjeux et les impliquer dans la recherche de solutions, l’UNESCO a organisé cette rencontre avec des experts de l’organisation et des représentants de la société civile.
Abou Amani, Directeur de la Division des sciences de l’eau et Secrétaire du Programme hydrologique intergouvernemental (PHI) de l’UNESCO, a introduit la discussion en soulignant le rôle fondamental de la coopération internationale dans la gestion de l’eau.
Avec une longue expérience dans le domaine, notamment en Afrique et au siège de l’UNESCO, Abou Amani a rappelé les quatre grands défis actuels :
- Le manque d’eau : des sécheresses de plus en plus fréquentes dans plusieurs régions du monde.
- L’excès d’eau : des inondations et des crues aux impacts dévastateurs.
- La pollution : même lorsque l’eau est disponible, elle n’est pas toujours potable.
- La variabilité : une répartition inégale des ressources hydriques sur la planète.
Face à ces défis, une seule solution : le partage et la coopération entre les pays.
Connaître pour comprendre, comprendre pour agir
L’expert a présenté les principales initiatives de l’UNESCO pour une gestion durable et équitable de l’eau. À travers le Programme hydrologique intergouvernemental (PHI), l’UNESCO renforce la base de connaissances scientifiques afin d’aider les États à mieux gérer leurs ressources. L’organisation coordonne également le Rapport mondial sur la mise en valeur des ressources en eau et anime un réseau international de chaires et de centres spécialisés.
Un autre enjeu majeur est la mise en place de systèmes d’alerte précoce pour anticiper les risques et protéger les populations. Si certains phénomènes climatiques sont inévitables, une préparation efficace permet d’en limiter l’impact. La coopération internationale est essentielle pour développer des stratégies d’adaptation et de prévention, afin de garantir un accès sécurisé à l’eau pour tous.
Les deux prochaines intervenantes ont immédiatement captivé les élèves en se connectant via Zoom depuis des paysages spectaculaires de glace.
La première, Heïdi Sevestre, est une figure majeure de la sensibilisation au changement climatique et de la protection des régions polaires. Lauréate de la Médaille Shackleton en 2022 pour son engagement, elle a été nommée en 2024 "European Young Leader" par Friends of Europe, représentant la France. Glaciologue de terrain, elle joue un rôle clé au sein de l’ (Programme de Surveillance et d’Évaluation de l’Arctique) et dirige régulièrement des expéditions scientifiques dans les pôles et les hautes montagnes. Son objectif : rendre la science accessible et encourager des actions concrètes face à la crise climatique. En 2025, ses recherches se concentrent sur les calottes glaciaires et les glaciers tropicaux de l’Ouganda, en collaboration avec l’UNESCO, et l’.
Connectée depuis Svalbard, en Norvège, Heïdi a partagé avec les élèves une image frappante : un paysage enneigé, figé dans la glace, avec une température ressentie de -36°°ä.
Puis, Daphné Buiron a émerveillé à son tour l’audience en annonçant qu’elle intervenait depuis un bateau naviguant près du Groenland. Docteure en climatologie et glaciologie, elle est spécialiste des carottes de glace, précieuses archives du climat. En 2012, elle a passé un an en Antarctique comme chimiste-glaciologue avant de découvrir l’Arctique en 2016, une expérience qui a éveillé chez elle une passion pour la culture inuit et la vie dans le Grand Nord. Aujourd’hui, elle multiplie les expéditions scientifiques, coordonne des missions de recherche et réalise des reportages pour sensibiliser aux enjeux climatiques et repenser notre lien avec le vivant.
L’émerveillement des élèves ne s’est pas arrêté à ces paysages glacés. Heïdi Sevestre a expliqué avec pédagogie le rôle essentiel des glaciers : ces immenses réserves d’eau solide, si on les réunissait tous, permettraient de remplir deux fois l’Allemagne. Ils évoluent au rythme des saisons, s’épaississant en hiver et fondant en été pour alimenter les rivières en eau douce. Elle a souligné leur importance pour notre quotidien, notamment en France, où cette eau alimente l’industrie hydroélectrique.
Daphné Buiron a complété ses explications en détaillant les fonctions clés des glaciers pour l’environnement :
- Régulateurs du climat : en réfléchissant les rayons du soleil, ils contribuent à refroidir la planète.
- Sources d’eau essentielles : ils alimentent les rivières et les nappes souterraines.
- Archives climatiques uniques : leur glace, formée sur des milliers d’années, permet de reconstituer le climat du passé.
- Sentinelles du changement climatique : leur fonte rapide est un indicateur direct de l’évolution des températures.
Face à ces enjeux, une question est revenue parmi les élèves : «&²Ô²ú²õ±è;Que pouvons-nous faire, concrètement, aujourd’hui ? »
Nous devons agir, jour après jour, pour décarboner notre quotidien.
Un engagement qui semble simple mais qui demande de repenser nos habitudes de consommation et nos choix énergétiques.
Heïdi Sevestre a, quant à elle, insisté sur le rôle fondamental de l’éducation et de la sensibilisation :
Ce que nous avons de plus puissant, ce sont nos connaissances, notre éducation.
Des émotions fortes et des paroles marquantes ont accompagné le retour à Paris avec la troisième intervenante : Elisabeth Thiéblemont, Conseillère en stratégie et prospective auprès de la Direction Générale d’. Elle est notamment à l’initiative des , un think tank consacré à la transformation de l’eau, des villes et des territoires.
L’eau est une ressource essentielle à la vie quotidienne, à l’économie et au développement de chaque pays. Pourtant, les défis mondiaux liés à l’eau se retrouvent aussi à Paris. L’eau suit un cycle complexe : une fois prélevée, elle subit de nombreux traitements avant d’être utilisée. Après usage, elle est de nouveau polluée et doit être traitée avant d’être réintroduite dans le milieu naturel. Cependant, , selon l’Organisation Mondiale de la Santé (). Plus de 1,5 milliard de personnes ne disposent pas de services d’assainissement de base, tels que des toilettes privées ou des latrines. Même en Europe, 10 % de la population vit en situation de stress hydrique et énergétique, rappelant que l’eau est aussi une source d’énergie précieuse.
Face aux regards interloqués des élèves devant ces chiffres alarmants, Elisabeth Thiéblemont a souligné l’urgence d’une hydrodiplomatie, aussi bien à l’échelle internationale que locale.
Avoir l’eau potable chez soi n’est pas un acquis.
Émue par la question d’une élève lui demandant «&²Ô²ú²õ±è;Quels métiers pouvons-nous exercer pour garantir l’accès à l’eau pour toutes et tous ? », Elisabeth Thiéblemont a exprimé sa joie de voir une génération consciente et engagée sur un sujet aussi fondamental, mais trop souvent tenu pour acquis.
Le Campus s’est conclu sur une note inspirante, avec une surprise finale. Les élèves ont découvert l’histoire de Raf-sur-Seine, un jeune activiste dont l’engagement a marqué les esprits. Né à Paris en 2010, Raphaël grandit avec un goût prononcé pour la récupération et la transformation d’objets. À neuf ans, il se lance dans une mission hors du commun : nettoyer la Seine et les canaux parisiens à l’aide d’un aimant et d’un grappin. Son action, débutée comme un simple jeu, devient un véritable engagement écologique, jusqu’à lui valoir la médaille de la Ville de Paris et une reconnaissance au sein du programme UNESCO Green Citizens.
Après la diffusion d’une vidéo retraçant son parcours, une dernière surprise attendait les élèves : Raf était présent dans la salle. Son histoire a profondément marqué les collégiens et lycéens, impressionnés par ce jeune de leur âge qui, grâce à sa passion et sa détermination, est devenu un symbole de l’engagement citoyen.
Le Campus s’est ainsi clôturé sur une note d’émotion et d’inspiration, laissant à chacun le sentiment que le changement est à portée de main et que nous pouvons tous, à notre échelle, devenir acteurs d’un monde plus durable.
Cet événement a été rendu possible grâce au soutien de la et à la collaboration de .