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À L'HORIZON
La fermeture des salles de concert, des musées, des sites du patrimoine mondial, des galeries d’art, des cinémas, des restaurants et des théâtres témoigne de l’ampleur de la crise sur le secteur culturel et les professionnels. Dans son dernier rapport, la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs (CISAC) estime que ses membres font état de pertes pouvant atteindre 3,5 milliards d'euros – soit une baisse globale de 20 à 35 % – ce qui reflète clairement les menaces qui pèsent sur les moyens de subsistance des artistes. L’UNESCO avait également mis en évidence il y a quelques mois l'impact massif sur les professionnels des musées, en particulier les indépendants, dont trois sur cinq ont perdu leur emploi. Une enquête menée par l’UNESCO sur l’impact de la pandémie sur le patrimoine culturel immatériel a révélé, de même, que les moyens de subsistance de nombreux artisans étaient fragilisés, les mesures de confinement entravant leur capacité à distribuer leurs produits. Les répercussions de la pandémie de COVID-19 sur l’emploi dans le secteur culturel ont de larges ramifications, y compris dans le secteur du tourisme et dans les services auxiliaires tels que l’hôtellerie et l’alimentation, ou encore dans le secteur de la construction - directement lié à la restauration du patrimoine bâti. En provoquant une mise à l’arrêt de l’économie, la pandémie a mis en évidence que de nombreux emplois sont liés, directement ou indirectement, au secteur culturel, tout en révélant plus largement les failles et les vulnérabilités du système économique mondial.
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Si le poids et la contribution du secteur culturel à l’emploi sont aujourd’hui largement reconnus, il est essentiel de valoriser pleinement ce potentiel. Le 4 novembre 2019, les ministres de la Culture des pays du G20 se sont réunis et ont inscrit pour la première fois la culture à l’ordre du jour du sommet du G20. Les participants des vingt pays, qui représentent 80 % de l’économie mondiale, ont clairement réaffirmé l’importance de la culture pour ouvrir la voie à de nouveaux modèles économiques. Les ministres ont souligné l'impact dévastateur de la pandémie sur l'emploi culturel, plusieurs pays insistant pour leur part sur la nécessité de nouveaux modèles économiques, notamment pour le tourisme culturel. Les pays ont également abordé d'autres questions connexes, préconisant des synergies plus fortes entre la culture et l'éducation pour permettre aux apprenants de développer de nouvelles compétences et de s'adapter à un marché du travail en évolution rapide. S'exprimant lors de la réunion, la directrice générale de l'UNESCO, Audrey Azoulay, a également mis l'accent sur la dimension anthropologique de la culture, soulignant que « re- penser l'avenir de la culture signifie la considérer comme bien plus qu'un secteur économique. Il s'agit d'un besoin primordial, qui sous-tend tous les aspects de nos sociétés. Ce n'est pas un coût, c'est un but. Elle ne doit pas être en marge des efforts de relance, elle doit être au centre de ceux-ci ».
La crise actuelle a pour toile de fond la transformation profonde du monde du travail engendrée par la « quatrième révolution industrielle », l'automatisation, l'intelligence artificielle et d'autres technologies numériques en plein essor. En outre, les modèles économiques actuels ont conduit à l'aggravation des inégalités dans un marché du travail de plus en plus polarisé en fonction du niveau de qualification, et largement marqué par le chômage et le sous-emploi, en particulier chez les jeunes. La migration et ses effets sur l'emploi sont également devenus une question politiquement sensible dans de nombreux pays, malgré la contribution économique importante des populations migrantes. La complexité des questions liées à l'emploi dans nos sociétés a conduit l'Organisation internationale du travail à s'engager en 2013-2016 dans une réflexion globale sur l'avenir du travail, qui a conclu qu'à l'échelle mondiale, nous devons « renouveler le contrat social » et veiller à ce que le monde du travail soit davantage centré sur les personnes. Certains des chiffres du rapport « Travailler pour un avenir meilleur » de 2019 sont alarmants : 344 millions d'emplois doivent être créés d'ici 2030, en plus des 190 millions d'emplois nécessaires pour lutter contre le chômage (dont 64,8 millions de jeunes) ; 2 milliards de personnes travaillent dans l'économie informelle ; 300 millions de travailleurs vivent dans la pauvreté ; 36 % de la main-d'œuvre mondiale travaille un nombre d'heures excessif (plus de 48 heures par semaine) ; et un écart de rémunération de 20 % entre les hommes et les femmes persiste. En outre, le rapport « Capital Humain » de 2019 de Deloitte estime que 85 % des employés dans le monde ne sont pas engagés dans leur travail, ou sont même activement désengagés, ce qui souligne la nécessité de promouvoir un « travail décent » en écho à l'objectif de développement durable 8.
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L'emploi culturel : le sommet de l'iceberg
Si le rôle de la culture en tant que secteur économique et employeur mondial est indiscutable, sa contribution réelle est souvent sous-estimée. Les chiffres les plus récents montrent que (ICC), qui emploient plus de jeunes âgés de 19 à 29 ans que tout autre secteur et génèrent 3% du PIB mondial. Au delà des CCI, de nombreux autres domaines culturels représentent des gisements d'emplois. On dénombre aujourd'hui dans le monde plus de 1 000 sites du patrimoine mondial, d'innombrables sites d'intérêt patrimonial, ou encore 90 000 musées selon une récente enquête de l'UNESCO. Ces pôles culturels offrent de multiples possibilités d'emploi, parmi lesquels les métiers de conservateurs, archivistes, archéologues, scientifiques et gardiens de parcs, mais aussi, de façon croissante, les médiateurs culturels, éducateurs ou spécialistes de la communication. La recommandation de l'UNESCO de 2015 sur la protection et la promotion des musées et des collections reconnaît même explicitement le rôle que jouent les musées dans le soutien au développement économique, notamment par le biais des industries culturelles et créatives et du tourisme. Elle invite les États membres à «prendre les mesures appropriées pour faciliter l'emploi de personnel qualifié par les musées» relevant de leur juridiction. Toutefois, les musées, les sites du patrimoine et les autres institutions culturelles sont intégrés dans un système économique beaucoup plus large, de nombreux autres fournisseurs et prestataires de services dépendant de leur existence pour leur propre survie
Les gouvernements font régulièrement état du rôle du secteur culturel pour stimuler l'emploi dans leurs examens nationaux volontaires, soumis aux Nations Unies pour suivre les progrès réalisés dans le cadre du Programme 2030 (voir la section Programme 2030 de ce numéro), en particulier dans le cadre de stratégies de développement urbain ou touristique. Les organisations intergouvernementales régionales et les banques de développement valorisent également le rôle de la culture pour l'emploi, comme le montrent des initiatives telles que de la Banque africaine de développement qui encourage l'industrie de la mode en Afrique comme levier pour créer des emplois, ou encore le programme de l'Union européenne destiné à soutenir les secteurs culturel et créatif.
Les données actuellement disponibles sous-estiment probablement de façon considérable la contribution du secteur culturel. , développés par l'UNESCO et actuellement en cours de déploiement, s'efforcent de quantifier et caractériser plus précisément la contribution de la culture au développement. Ces indicateurs s'appuient sur les cadres méthodologiques développés précédement, qu'ils adaptent et élargissent pour couvrir tous les aspects des objectifs de développement durable. Parmi les quatre dimensions de ce cadre d'indicateurs, une dimension est dédiée à « la prospérité et aux moyens de subsistance ». L'un des vingt-deux indicateurs est destiné plus spécifiquement à évaluer l'ampleur du rôle de la culture en tant qu’« employeur » au niveau national et local, ainsi que la vitalité et le dynamisme du secteur culturel et sa contribution au bien-être matériel des personnes qu'il emploie. Au-delà de l'identification des personnes qui exercent une profession culturelle dans des entreprises à vocation culturelle - par exemple un acteur de théâtre - cet indicateur prend également en compte les personnes ayant une profession culturelle dans une entreprise extérieur au secteur de la culture - par exemple un designer dans l'industrie automobile - ainsi que les personnes exerçant une profession non culturelle dans des entreprises culturelles - comme un comptable travaillant dans un théâtre. Cette définition plus large de la culture en tant qu'employeur fournit une image plus précise de la contribution du secteur. Cependant, malgré son optique plus large, les chiffres demeurent sous-estimés, l'indicateur n'incluant pas les nombreuses personnes dont l'emploi « culturel » s'inscrit dans l'économie informelle, ou dont le second emploi est dans la culture, prenant la forme, par exemple, de spectacles de musique traditionnelle lors de mariages.
Les indicateurs thématiques pour la culture dans le Programme 2030 sont actuellement en cours de déploiement et sont destinés à donner aux États membres un aperçu approfondi de leurs secteurs culturels afin d'affiner les politiques nationales. Ils s'appuient sur 15 années de travail de l'UNESCO, de l'Institut de statistiques de l'UNESCO et d'autres organisations internationales, régionales ou nationales pour saisir toutes les dimensions de la culture, y compris l'emploi. Dix-sept pays ont déjà bénéficié de l'expérience des indicateurs de la culture pour le développement (IUCD) de l'UNESCO depuis 2014. En outre, le cadre des statistiques culturelles de l'Institut de Statistiques de l'UNESCO - lancé en 2009 - fournit des données comparables à l'échelle mondiale et contribue directement au suivi des Nations unies sur les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs de développement durable. La question des données devient également une priorité au niveau régional, en écho aux spécificités du secteur culturel. A titre d'exemple, une initiative de collecte de données a été engagée au sein du Marché commun du Sud (MERCOSUR), en collaboration avec l'UNESCO et la Banque interaméricaine ; elle constitue le premier exercice conjoint des pays du bloc commercial sud-américain visant à quantifier la contribution des ICC à l'emploi, à la production économique et à la valeur ajoutée à l'échelle sous-régionale. L'initiative vise également à révéler l'ampleur de l'activité économique culturelle dans l'économie informelle - qui est, par définition, difficile à évaluer - afin de concevoir des mesures de protection permettant de venir en aide plus efficacement aux personnes dont les moyens de subsistance ont été affectés par la pandémie, et de renforcer les cadres des politiques publiques à plus long terme.
La culture au sein des stratégie de développement locales
La question de l'emploi prend une place de plus en plus importante dans les programmes culturels de l'UNESCO. Il s'agit non seulement de stimuler la création d'emplois - en particulier pour les populations les plus vulnérables - mais aussi de contribuer à l'inclusion sociale et aux autres retombées sociétales liées à la promotion du travail décent. Les membres du ont adopté des stratégies pour soutenir l'emploi décent par la créativité et la culture. Les 246 villes qui composent actuellement ce réseau travaillent ensemble pour placer la créativité et les industries culturelles au cœur de leurs plans de développement au niveau local dans sept domaines créatifs : l'artisanat et les arts populaires, les arts numériques, le film, le design, la gastronomie, la littérature et la musique. donnent ainsi la priorité à l'entrepreneuriat créatif dans le cadre de leurs stratégies de transition post-industrielle vers un nouveau modèle économique, comme Katowice en Pologne. D'autres villes mettent l'accent sur l'inclusion sociale. Parmi elles Santos, au Brésil, a lancé l'initiative Creative Ecofactory, qui soutient les personnes issues des communautés les plus vulnérables en les aidant à développer des compétences et à exercer un métier dans le domaine du bois. Parallèlement, Bologne, en Italie, a lancé le programme IncrediBol ! qui a servi de tremplin à près de 100 start-ups dirigées par de jeunes entrepreneurs créatifs, dans le cadre d'une stratégie de développement régional plus large.
L'emploi est également au cœur des questions de conservation et de sauvegarde des sites culturels, en particulier des sites du patrimoine mondial. Les projets de restauration investissent dans les compétences locales et la formation professionnelle des jeunes par l'intermédiaire des écoles techniques ou chantier-écoles. Cette dynamique vertueuse de création d'emplois a un impact positif plus large sur le tissu social, contribuant ainsi à renforcer l'attractivité d'un lieu dans le cadre des efforts de développement du touristisme. Soutenir la conservation du patrimoine culturel passe également par la sauvegarde ou la revitalisation de certains métiers (tels que la ferronnerie, la maçonnerie, etc.) qui étaient parfois en déclin : ces techniques locales peuvent, à leur tour, contribuer à relancer d'autres secteurs économiques connexes et contribuer à la vitalité économique locale. Des initiatives telles que le programme « Argent contre travail » de l'UNESCO au et en (qui est soutenu par l'Union européenne et l'Agence de développement allemande GIZ), offre des possibilités d'emploi liés à la conservation des sites du patrimoine mondial - le programme du Yemen ciblant plus particulièrement aux jeunes. Le programme vise à sauvegarder non seulement les bâtiments historiques qui ont été menacés par des années de difficultés économiques (et de conflits, dans le cas du Yemen) mais aussi les connaissances nécessaires à leur restauration, telles que les techniques de fabrication des briques. Un programme similaire est en cours de lancement dans le cadre de l'initiative phare de l'UNESCO. L'initiative contribue également à la consolidation de la paix, à la réconciliation et au redressement du pays.
Les pratiques du patrimoine culturel immatériel peuvent également favoriser une croissance économique équitable et inclusive en soutenant la contribution des populations vulnérables dont les moyens de subsistance sont précaires. En effet, de nombreuses pratiques sont intrinsèquement liées aux moyens de subsistance des populations et sont vitales pour leur bien-être social et économique. Le patrimoine vivant peut constituer une source import1ante d'innovation, car la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel est constamment en évolution et en adaptation. Ces connaissances, compétences et pratiques locales, maintenues et améliorées sur plusieurs générations, peuvent offrir des possibilités de travail décent et des moyens de subsistance durables à des groupes et des communautés entières. Ces dernières années, certains pays d'Asie ont défendu des initiatives telles que le programme « Un Tambon, un produit », dans le cadre duquel une communauté villageoise (« tambon ») se spécialise dans la production de produits locaux spécifiques, tels que l'artisanat traditionnel, les vêtements en coton et en soie, la poterie, les accessoires de mode, les articles ménagers et les aliments, pour la vente au niveau local et international. Initialement lancé au Japon dans les années 1980, ce type de programme a également connu un certain succès en Thaïlande et, plus récemment, au Brunei Darussalam.
La culture est également une composante majeure du secteur du tourisme qui, avant la pandémie, contribuait directement à 330 millions d'emplois, soit 1 emploi sur 10 dans le monde, selon le Conseil mondial du voyage et du tourisme (WTTC). En fait, , selon l'Organisation mondiale du tourisme des Nations unies (OMT), les sites du patrimoine mondial et les musées servant souvent de point de mire aux visiteurs. Le secteur de la création et des arts renforce également l'offre culturelle d'un lieu à travers le théâtre, la musique et la gastronomie, par exemple. La découverte de la diversité des traditions, les événements festifs, les arts du spectacle, les compétences liées aux savoirs, savoir-faire et pratiques traditionnels locaux, ainsi que la vente d'artisanat, constituent également une attraction pour les visiteurs. Malheureusement, pour 2020 en raison de la pandémie de COVID-19 (par rapport à la baisse de 4 % des arrivées internationales suite à la crise économique de 2008). Le WTTC à l'échelle mondiale, avec une perte potentielle de 197,5 millions d'emplois. Les femmes, les jeunes, les communautés rurales, les peuples autochtones et les travailleurs informels - des groupes qui sont plus susceptibles d'être employés dans des micro ou petites entreprises touristiques - sont particulièrement affectés. Le tourisme étant une source majeure de croissance, d'emploi et de revenus pour de nombreux pays, en particulier dans les pays en développement et les petits États insulaires en développement, la relance de ce secteur est une préoccupation majeure pour les gouvernements du monde entier.
Pourtant, même avant l'arrêt soudain des voyages internationaux cette année, le secteur du tourisme était confronté à des défis importants, liés notamment à l'afflux de visiteurs dans certaines destinations, entraînant des conflits avec les communautés locales et contribuant à la dégradation de l'environnement. En outre, les bénéfices en termes de création d'emplois pour les résidents locaux, y compris dans les industries de services qui dépendent du tourisme, n'étaient pas répartis de manière égale.
La culture ouvre la voie pour l'avenir du travail
l'étendue de la contribution de la culture à nos sociétés ne saurait être circonscrite au nombre brut d'emplois décents fournis par le secteur culturel, Pour être véritablement résiliente, la culture doit être ancrée plus largement dans les politiques publiques liées au développement économique et social, comme l'a montré la crise actuelle. Les États membres de l'UNESCO se sont mobilisés pour soutenir leur secteur culturel ; la réunion en ligne des convoquée par l'UNESCO le 22 avril - à laquelle ont participé quelque 130 ministres - témoigne d'une volonté politique réaffirmée de relever les défis auxquels le secteur est confronté. Le mois dernier encore, l'UNESCO a publié , qui analyse l'impact profond de la crise sanitaire sur le secteur de la culture et sur les professionnels - la crise exacerbant les vulnérabilités préexistantes - et souligne notamment la nécessité de garantir une rémunération équitable du travail culturel. La publication rassemble les bonnes pratiques et les réponses innovantes du monde entier en vue d'élaborer un guide complet de réponse à la crise à l'attention des décideurs politiques, et couvre les mesures liées au soutien direct aux artistes et aux professionnels de la culture, au soutien aux secteurs des industries culturelles et créatives et au renforcement de la compétitivité des industries culturelles et créatives.
Pour assurer la résilience à long terme du secteur, il est essentiel de consolider les moyens de subsistance des artistes, ainsi que des autres professionnels de la culture et de la création. invite les États membres à améliorer le statut professionnel, social et économique des artistes par la mise en œuvre de politiques et de mesures relatives à la formation, à la sécurité sociale, à l'emploi, aux revenus et aux conditions fiscales, à la mobilité et à la liberté d'expression. Elle reconnaît également le droit des artistes à être organisés en syndicats ou en organisations professionnelles qui peuvent représenter et défendre les intérêts de leurs membres. Quarante ans après son approbation par tous les États membres de l'UNESCO lors de la Conférence générale, certains pays . Cependant, les répercussions de la pandémie mondiale sur l'emploi ont clairement démontré que les droits des artistes à être considérés comme des professionnels ayant leurs propres spécificités ne doivent pas être négligés et que les dispositions actuelles sont insuffisantes, comme le souligne la récente publication de l'UNESCO sur . Depuis le début de la crise sanitaire, les États membres ont appelé à renforcer cette recommandation.
À mesure que le chômage augmente, réinventer la protection sociale sur le marché de l'emploi dans son ensemble devient une priorité globale. Pendant de nombreuses années, les contrats temporaires, le travail en free-lance et les « emplois à la tâche » - caractéristiques du secteur créatif - ont été considérés comme « alternatifs ». Ce modèle se généralise aujourd'hui et, , « dans de nombreux pays, les prestations sociales et les négociations collectives basées sur des modèles où les gens ont un emploi stable à plein temps deviennent obsolètes ». En effet, , selon Deloitte. Le modèle économique du secteur créatif peut donc potentiellement fournir des enseignements pour l'économie au sens large. Le rapport de la CNUCED sur a souligné que le secteur créatif avait prouvé sa robustesse, malgré le krach financier de 2008. En effet, le commerce des biens créatifs a doublé, passant de 208 milliards de dollars à 509 milliards de dollars en 2015, dépassant le taux de croissance moyen de 7 %, en grande partie grâce aux secteurs du design, de la mode et du cinéma. Même les biens créatifs, tels que les journaux sur papier, innovent et passent aux formats en ligne, devenant ainsi des services créatifs. Le secteur culturel, fort de son agilité et de son adaptabilité, est ainsi en capacité d'inspirer d'autres secteurs, en particulier dans le contexte de la transformation numérique.
Mains, tête et cœur : les compétences du 21ème siècle
Une part importante des « emplois de demain » n'existe pas encore aujourd'hui et la culture peut inspirer des approches visant à améliorer le monde du travail au sens large, au-delà du secteur culturel lui-même. Alors que le nombre d'emplois créés (en particulier grâce à l'expansion de l'automatisation et de l'intelligence artificielle, ainsi qu'aux possibilités offertes par l'économie verte) continue de dépasser le nombre d'emplois devenus obsolètes, de nombreuses études publiées ces dernières années mettent en évidence le déficit croissant de compétences, soulignant en particulier la pénurie de compétences spécifiquement humaines, telles que les compétences interpersonnelles et créatives, ainsi que la pensée critique, l'analyse, la résolution de problèmes et l'apprentissage actif. Deloitte a qualifié cette diversification des compétences de . À titre d'illustration, a estimé que pour cinq pays européens - la France, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne et le Royaume-Uni - et les États-Unis, à l'avenir, « la demande de compétences cognitives supérieures, telles que la créativité, la pensée critique, la prise de décision et le traitement d'informations complexes, déjà importante aujourd'hui, augmentera jusqu'en 2030, de 19 % aux États-Unis et de 14 % en Europe. Parallèlement, on compte aujourd'hui dans le monde - qui représentent près de 20 % de la population mondiale. Ces « NEET » (Not in Education, Employment or Training) soulignent la nécessité d'adapter les systèmes d'éducation pour suivre l'évolution des compétences requises dans le monde du travail. Selon une estimation, , le nombre d'emplois menacés par l'automatisation passerait de 10 % à 4%.
Le caractère évolutif de l'emploi - sans parler des sociétés dans leur ensemble - a des implications profondes pour le secteur de l'éducation. Les pays cherchent de plus en plus à stimuler la créativité et d'autres compétences non techniques dans les systèmes éducatifs afin de garantir leur prospérité future. L'UNESCO, en tant que chef de file des Nations unies pour l'éducation et de l'apprentissage tout au long de la vie, a lancé une initiative phare majeure sur afin de guider ces adaptations pour le monde de demain. L'un des volets clés du travail de l'UNESCO est le renforcement en tant que composante essentielle d'une éducation globale pour le plein épanouissement de l'individu. L'éducation artistique désigne à la fois l'éducation aux arts - l'enseignement de disciplines artistiques spécialisées mais aussi l'enseignement de l'histoire de l'art qui nous renvoie à notre patrimoine historique et culturel - ou l'éducation par les arts - l'utilisation des arts comme outil pédagogique pour l'enseignement d'autres disciplines. Ces dernières années, le désengagement des étudiants dans les disciplines « STEM » (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques) a été mis en évidence, mais certains défenseurs de ces disciplines encouragent une transition vers un enseignement « STEAM » qui intègre également les arts en stimulant l'imagination des étudiants ainsi que la créativité, la réflexion sur le design, la culture technologique, la collaboration et la résolution de problèmes, grâce à une approche plus centrée sur les personnes. Plutôt que de valoriser exclusivement les carrières de scientifiques ou d'ingénieurs, il encourage également les compétences nécessaires pour devenir designer, artiste numérique, codeur ou directeur artistique.
Le renforcement des compétences techniques est un volet essentiel pour favoriser l'emploi des jeunes et l'entrepreneuriat, et constitue, à ce titre, l'un des axes directeurs de la stratégie de l'UNESCO pour l'enseignement et la formation techniques et professionnels (2016-2021), aux côtés de la promotion de l'égalité des genres, ainsi que l'accompagnement de la transition vers des économies vertes et des sociétés durables. De même, renforcer les compétences techniques dans les secteurs culturel et créatif constitue une priorité, y compris dans le cadre de l'éducation non formelle. La transmission intergénérationnelle des savoirs et savoir-faire est également un concept fondateur de la Convention de l'UNESCO de 2003 sur le patrimoine culturel immatériel. Le programme des Volontaires du patrimoine mondial de l'UNESCO, qui existe depuis plus de dix ans, encourage de même l'acquisition de compétences de base en matière de préservation et de conservation du patrimoine par le biais de projets sur des sites reconnus par l'UNESCO, la sensibilisation à l'importance du patrimoine mondial, mais aussi le développement de compétences non techniques, telles que la communication.
Par ailleurs, le monde du travail est appelé à se diversifier, à mesure que l'éducation permet aux groupes marginalisés de s'y intégrer, notamment les (dont les deux tiers sont des travailleurs migrants). Le dialogue interculturel est donc un outil essentiel non seulement pour évoluer dans le monde du travail, mais aussi plus largement pour s'inscrire dans les sociétés de plus en plus diversifiées. Des outils, tels que , publié en 2019, pourraient aider les entreprises et les organisations du futur à s'adapter aux besoins de leurs clients, et à faciliter les interactions harmonieuses au sein de leur personnel. La méthodologie des Story Circles encourage ainsi le dialogue et développe des compétences pour interagir dans un environnement marqué par la diversité, que ce soit au sein d'une société (différences dues à l'âge, au sexe, à la religion, au statut socio-économique, à l'affiliation politique, à l'appartenance ethnique, etc) ou, à une échelle plus large, entre les pays. Elle a déjà été mise en œuvre dans des environnements liés à la santé, pour former le personnel des Nations unies, des organisations non gouvernementales et des professionnels de la santé engagés dans la lutte contre la pandémie. La formation vise à renforcer leur adaptabilité aux besoins de populations diverses, notamment les populations vulnérables, telles que les réfugiés, les migrants, les minorités et les peuples autochtones, qui sont particulièrement exposées aux risques sanitaires.
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Un tremplin pour l'action
Construire l'avenir du travail exige de repenser fondamentalement les politiques publiques dans leur ensemble - un impératif particulièrement critique dans le contexte de la COVID-19. Alors que le monde est confronté aux répercussions économiques et sociales de la pandémie - en particulier le ralentissement économique et l'augmentation des inégalités - les pays devront s'attaquer non seulement à la pénurie d'emplois mais aussi, plus fondamentalement, aux contradictions du système économique mondial, mises à nu par la crise. La mise en place de modèles économiques plus inclusifs et durables - susceptibles de faire évoluer le rapport au travail lui-même - est dès lors une priorité de premier plan.
La contribution de la culture à l'économie et aux sociétés dans leur ensemble est désormais incontestée. Elle est à la base des progrès réalisés dans le cadre du , non seulement de l'ODD 8 sur le travail décent, mais aussi de l'ODD 10 sur la réduction des inégalités, de l'ODD 4 sur l'éducation et de l'ODD 16 sur la paix, entre autres. Si des efforts concertée ne sont pas entrepris, les avancées des vingt dernières années pour valoriser le potentiel économique du secteur culturel pourraient être remises en cause. Il est donc essentiel d'évaluer toute l'étendue de l'emploi culturel par le biais de systèmes de données plus solides afin d'éclairer l'élaboration des politiques publiques et d'orienter le financement public pour mieux accompagner le rôle économique de la culture.
Créer un environnement favorable à l'emploi dans le secteur culturel est tout aussi essentiel : les cadres législatifs et les systèmes de sécurité sociale doivent refléter la nature complexe du secteur. Les instruments normatifs de l'UNESCO, tels que ceux qui concernent le statut de l'artiste, le rôle des musées, le patrimoine culturel immatériel, ainsi que le patrimoine culturel et naturel, fournissent des orientations aux États membres. L'Organisation continuera à soutenir le dialogue entre les États membres, ainsi qu'avec les organisations de la société civile et les experts culturels, afin d'accompagner la mise en oeuvre de ces orientations.
Le renforcement des synergies entre la culture et l'éducation permettra également de stimuler des compétences d'adaptation et d'innovation particulièrement critiques dans le contexte actuel. Nourrir les connaissances, les valeurs et les comportements est un aspect essentiel pour préparer les apprenants à s'adapter à l'évolution rapide du monde du travail. Cet impératif sera d'autant plus important dans le contexte démographique, marqué par une population jeune en plein essor, mais aussi face à l'accélération de la transformation numérique et aux exigences croissantes de l'économie verte.
Le moment est venu de tirer parti de la contribution de la culture pour assurer la prospérité future et la résilience des communautés. Une nouvelle dynamique de coopération et de solidarité internationales a été initiée par le de l'UNESCO en novembre 2019 avec la participation massive des pays à un nouveau dialogue sur le rôle de la culture pour le développement durable. Cette conversation mondiale suscite un nouveau sentiment d'urgence, comme en témoignent la réunion en ligne des ministres de la culture en avril dernier, ainsi que la récente réunion du G20 et plusieurs autres initiatives régionales. en 2021, ainsi que le Congrès mondial de la culture, , organisé par le Mexique et l'UNESCO en 2022, renforceront cette dynamique en faveur d'une action concertée.