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À L'HORIZON

Protéger et préserver la diversité culturelle à l’ère du numérique
Nous vivons déjà à l'ère du numérique. Ces dernières années, les technologies numériques qui ont bouleversé de nombreux aspects de notre vie quotidienne - la façon dont nous sommes connectés les uns aux autres et dont nous faisons l'expérience du monde - ont commencé à avoir un impact profond sur le secteur culturel. Dans de nombreuses régions du monde, les institutions culturelles et les professionnels de la culture s'emploient à utiliser les technologies numériques pour rattraper le temps perdu. De plus en plus, les amateurs de culture peuvent regarder des productions théâtrales,des concerts,explorer les richesses culturelles d'un musée ou d'un site patrimonial d'un autre pays depuis leur domicile. Les institutions culturelles modifient la façon dont les archivistes et les conservateurs travaillent grâce aux plateformes numériques, tandis que les médias sociaux ont ouvert des possibilités de toucher de nouveaux publics. Pour les artisans, les artistes et de nombreux autres professionnels de la culture, les transformations de la chaîne de valeur culturelle ont transformé leurs pratiques quotidiennes. Cette «numérisation culturelle» ne s'arrête pas aux technologies plus familières des plates-formes web et des médias sociaux, mais s'étend également aux technologies rapidement émergentes de l'intelligence artificielle, de la réalité virtuelle et augmentée, ainsi que de la robotique, qui ont toutes le potentiel de révolutionner les façons dont nous préservons, créons, accédons et vivons la culture. Le déploiement de la 5G, de l'intelligence artificielle et des mégadonnées devrait entraîner des changements plus importants dans les 5 prochaines années que toute autre technologie au cours des 30 dernières années.
L'arrêt mondial dû à la pandémie de la COVID-19 a également accéléré le rythme du changement. Selon une estimation, la pandémie de la COVID-19 a condensé 5 années de progrès en 3 mois. Lors d'une réunion d'environ 130 ministres de la culture convoquée par l'UNESCO en avril 2020 - elle-même en ligne - la question du maintien de l'accès à la culture via les plateformes numériques a été l'une des plus grandes priorités. En effet, pendant la pandémie, on a assisté à une augmentation rapide et spontanée de l'utilisation des technologies numériques, depuis des artistes mondialement connus se produisant gratuitement depuis leur salon jusqu'aux groupes locaux pratiquant les traditions du patrimoine vivant que sont la danse, la musique, l'artisanat et la cuisine. Les grandes institutions ont également mis du contenu en ligne, les salles de concert et les théâtres diffusant des spectacles en continu. Le Louvre à Paris - en temps normal, le musée le plus visité au monde - a vu le trafic de son site web multiplié par dix.
Cependant, tout le monde n'est pas encore inclus dans cette révolution numérique. La Commission Broadband estime que 53,6 % du monde a désormais accès aux technologies numériques, ce qui signifie que près de la moitié de l'humanité est encore laissée pour compte. Il existe également des inégalités flagrantes entre les pays et à l'intérieur des pays : la pénétration numérique tombe à 19 % dans les pays les moins développés économiquement, tandis que les femmes sont 12 % moins nombreuses que les hommes à utiliser l'internet dans le monde. Il est évident que l'ampleur des inégalités d'accès aux technologies numériques a de profondes implications pour la culture : alors que la consommation culturelle en ligne a augmenté massivement dans la plupart des pays, la fracture numérique se reflète clairement dans les modes de production et de consommation culturelles. Par exemple, seulement 5 % des musées en Afrique et dans les petits États insulaires en développement sont présents en ligne, selon Google Arts and Culture.
53.6%

du monde a désormais accès aux technologies numériques

L'infrastructure numérique reste un obstacle dans certaines régions du monde, mais même parmi les pays disposant d'une infrastructure numérique solide, très peu ont élaboré un plan national complet de culture numérique allant au-delà des initiatives prises pour numériser ou renforcer certaines facettes de leur secteur culturel. Pourtant, l'adaptation au nouveau paysage numérique est l'une des principales questions pour l'élaboration de politiques culturelles nationales qui garantiront que la culture reste un bien commun pour tous. Des politiques culturelles publiques solides sont essentielles pour assurer la sauvegarde du patrimoine pour les générations futures, développer des écosystèmes créatifs diversifiés, dynamiques et prospères et veiller à ce que l'élargissement de l'accès à la culture soit un vecteur de sociétés plus pacifiques et plus tolérantes.

Le patrimoine culturel pour les générations futures

Les technologies numériques ont un rôle important à jouer dans la sauvegarde du patrimoine culturel, notamment à la suite de conflits, de catastrophes naturelles et d'autres situations d'urgence. En Syrie, par exemple, , pour produire une évaluation des dommages causés à la vieille ville d'Alep, en utilisant des images satellites et un modèle détaillé de la Citadelle, développé par la start-up française Iconem. Des initiatives similaires sont en cours au Yémen, où l'UNESCO forme des professionnels du patrimoine à la connaissance de la documentation en 3D des bâtiments, des monuments et des sites, ainsi qu'en Irak, où l'UNESCO collabore à l'utilisation des technologies de drones et de la photogrammétrie pour documenter l'ampleur de la destruction de la vieille ville de Mossoul dans le cadre de l'initiative « Faire revivre l'esprit de Mossoul ». Des informations de ce type peuvent servir de base essentielle au rétablissement des pays et des communautés dans la réhabilitation des édifices de leur identité commune, ou pour assurer la transmission de la mémoire en cas de dommages irréversibles. La technologie numérique peut également contribuer à la lutte contre le trafic illicite de biens culturels. Grâce à l'exploitation par les pilleurs d'outils tels que les médias sociaux, les forums en ligne et le web profond, les autorités publiques peuvent déployer la télédétection pour détecter et surveiller les fouilles, ainsi que l'apprentissage par machine et la technologie des blockchains alimentée par imagerie 3D pour retrouver les registres de provenance. Le partage des données entre les pays, grâce à l'utilisation des technologies, est également essentiel.

Les menaces au patrimoine culturel peuvent aussi se manifester sous d'autres formes comme l'incendie dévastateur dont a été victime le Musée National du Brésil de Rio de Janeiro en 2018.On estime que l'incendie a détruit entre 80 et 90 % des 20 millions de pièces de la collection du musée. Le fait qu'au moins une partie de l'inventaire du musée ait été numérisée jouera un rôle important dans le processus de récupération. En effet, la numérisation des collections du musée - ces dépositaires de certains des objets uniques et vitaux de notre histoire commune - est essentielle pour garantir que le contenu puisse être partagé et afin de faciliter la collaboration entre les musées. En 2016, un sondage produit par l'unité de recherche du journal «  Â», a révélé que les institutions de nombreux pays en développement -comme la Chine, l'Indonésie, le Mexique, le Pérou ou la Thaïlande - sont meilleurs en terme de d'archivage numérique.Ce rapport a conclu que ce n'est « peut être pas une coincidence que ces pays, qui sont sujets à des catastrophes naturelles, ont une plus grande conscience de la nécéssité de préserver leurs biens culturels ».Les nouvelles technologies peuvent également améliorer les stratégies de réduction des risques de catastrophes. Par exemple, les systèmes d'alerte rapide aux tsunamis - développés par la Commission océanographique intergouvernementale de l'UNESCO - sont importants pour la préservation du patrimoine culturel, notamment des petits États insulaires en développement. S'il est largement reconnu que les technologies numériques offrent de nouveaux moyens de produire, de stocker et de partager les biens muséaux et patrimoniaux. Le cadre de cette démarche reste encore à définir. L'UNESCO soutient l'initiative Reproduction des oeuvres d'art et du patrimoine culturel (), menée par le Victoria & Albert Museum du Royaume-Uni, qui vise à établir une feuille de route détaillée sur la manière dont les musées peuvent utiliser ces technologies, notamment en ce qui concerne les défis scientifiques tels que la restauration et la reconstruction du patrimoine culturel, ainsi que la préservation de la mémoire dans le cas d'un patrimoine fragile.

Les technologies digitales peuvent également être exploitées afin de documenter, transmettre et revitaliser le patrimoine culturel immatériel. Comme le patrimoine culturel immatériel ne peut être vu ou détenu sous forme physique, la documentation, notamment par le biais de projets de production de médias, permet de comprendre les tendances évolutives d'un certain élément du patrimoine culturel immatériel et de formuler des mesures pour sa sauvegarde. , par exemple, aide les États membres de la région AsiePacifique à numériser les ressources audiovisuelles analogiques endommagées afin de les préserver et de les gérer. Il faut toutefois noter que les outils numériques ne sont pas sans complications en ce qui concerne le patrimoine culturel immatériel, car ils soulèvent notamment des questions de droits de propriété culturelle locaux. La sur le patrimoine vivant place clairement les communautés au cœur de la sauvegarde des pratiques du patrimoine culturel immatériel et les négociations communautaires pour la documentation et la circulation numérique des représentations des expressions immatérielles locales restent essentielles pour garantir que les technologies numériques sont correctement exploitées. De plus, une part croissante du patrimoine culturel mondial est produite, distribuée et accessible sous forme numérique plutôt que sur papier. Les ressources culturelles et éducatives dites « nées numériques », telles que les revues électroniques, les pages web ou les bases de données en ligne, constituent un important réservoir de connaissances humaines susceptible de faciliter le dialogue interculturel. Toutefois, elles sont particulièrement vulnérables au risque d'obsolescence technique et de détérioration physique. La fournit des orientations sur les textes, les fichiers audio, les films et les images qui doivent être conservés.

Préserver la diversité culturelle en tant que bien commun

Les technologies numériques ont également un impact profond sur le secteur de la création, avec de nombreuses opportunités en plein essor. De nombreux artistes et praticiens de la création ont modifié leurs méthodes de travail, repoussant les limites de l'expérimentation, ouvrant de nouvelles possibilités de collaboration et trouvant de nouveaux publics. La villa Ker Thiossane pour l'art et le multimédia basée à Dakar, au Sénégal (également pour les arts médiatiques) est un exemple d'espace artistique qui facilite l'expérimentation de l'intégration des technologies numériques dans les pratiques artistiques traditionnelles. Les industries et les secteurs culturels et créatifs qui distribuent des biens et des services culturels ont été habilités à générer de nouveaux produits, à accéder à de nouveaux marchés et à construire des modèles commerciaux innovants. Le volume de données circulant sur Internet augmente de manière exponentielle et les revenus augmentent également. Par exemple, en 2016, les revenus de la musique numérique ont pour la première fois représenté 50 % du marché mondial de la musique enregistrée. Outre la diversité des expressions culturelles, la diversité linguistique est également influencée par les technologies numériques de masse. Actuellement, 80 % des 1,8 milliard de sites web sur l'internet sont dans seulement 10 des 7 000 langues estimées dans le monde, ce qui signifie que 95 % des langues sont exclues. En particulier, le développement de l'intelligence artificielle offre potentiellement des possibilités de traduction automatique pour étendre la portée linguistique d'Internet et en accroître l'accès.

Les nouvelles technologies ont toutefois reconfiguré l'ensemble de la chaîne de valeur : de la création à la production, la distribution, l'accès et la participation, ce qui pose un nouveau défi. Ce nouveau modèle numérique n'est pas seulement une version modernisée d'un modèle traditionnel, mais il est qualitativement différent et nécessite une nouvelle approche. Chaque acteur de la chaîne ne contribue plus à ajouter de la valeur à un produit ou à un service pour ensuite le transmettre à l'étape suivante, comme un pipeline. Le modèle numérique est un modèle plus en réseau, avec des données en son cœur, dans lequel les cinq processus se déroulent presque simultanément. Il est essentiel de comprendre ce changement sous-jacent du modèle économique pour savoir comment concevoir au mieux les politiques publiques afin de tirer le meilleur parti du secteur créatif, qui contribue à hauteur de 3 % au PIB mondial et fournit quelque 29 millions d'emplois dans le monde.

Ce changement significatif dans la structure de l'économie mondiale numérisée d'aujourd'hui, et ses répercussions sur la scène créative, a donné naissance à des géants des plateformes en ligne très puissants dont l'influence croissante présente certains risques. La puissance d'une plateforme mondiale comme YouTube est telle que d'autres acteurs, y compris les créateurs eux-mêmes, ont du mal à négocier une rémunération équitable. La pandémie a également exacerbé ce phénomène, car de nombreuses grandes plateformes ont vu le nombre de leurs abonnés augmenter, tandis que des artistes tels que les musiciens dépendaient de plus en plus des ventes de disques en raison de l'annulation de concerts, sans que les bénéfices ne se répercutent nécessairement sur les producteurs.

En outre, plutôt que d'élargir la portée de la diversité des expressions culturelles au niveau mondial, la production et la distribution sont de plus en plus concentrées dans le Nord au détriment du Sud, comme l'illustre le fait que 95% du marché des applications est concentré dans seulement 10 pays. De tels déséquilibres posent le risque d'une homogénéisation de la culture au niveau mondial, alors que dans le même temps, les fractures numériques au sein des pays peuvent conduire à la domination de certaines pratiques ou expressions culturelles au détriment de la valorisation de l'ensemble de la diversité culturelle.

D'autres questions complexes se posent en raison de l'essor de l'intelligence artificielle et des mégadonnées. L'intelligence artificielle (IA) a désormais la capacité de créer des contenus culturels tels que la musique et en 2018, la toute première œuvre d'art créée par l'IA a été vendue aux enchères pour 432 500 dollars. Cela soulève des questions fondamentales sur le droit d'auteur et la propriété, et fait partie d'une question plus large sur l'éthique de l'IA, que l'UNESCO examine actuellement dans le cadre de son initiative visant à élaborer une .

Même les distinctions entre producteurs et consommateurs sont devenues plus complexes, donnant naissance au concept de «prosommateur» La nature changeante de la disponiblité du contenu a fait naitre des des attentes en matière d'accès aux contenus culturels pour un coût minimal ou faible, mettant en danger les moyens de subsistance des artistes et des professionnels de la création. En outre, les énormes volumes de données qui circulent sur l'internet sont susceptibles d'être censurés et le public peut voir ses données personnelles utilisées à mauvais escient. Il existe un autre danger que les communautés virtuelles créent des «chambres d'écho» qui faussent les perceptions et que les algorithmes adaptent le contenu culturel au point de miner la notion de culture en tant que bien commun.

La régulation des platformes culturelles mondiales est ainsi un défi critique qui requiert un dialogue concerté et coordonné autour des politiques culturelles, avec une volonté de renforcement de la diversité culturelle en ligne mais aussi une meilleure protection des droits d'auteur et les moyens de subsistance des professionnels de la culture, et de protéger les droits de l'homme dans ce nouvel environnement numérique. La pandémie a mis en évidence, à de nombreux égards, le rôle des autorités publiques en tant que garants de l'accès aux contenus culturels en ligne, ouvrant ainsi la voie à un tel dialogue politique. En réponse à ces défis, l'UNESCO a élaboré en 2017 des qui invitent également les États membres à fournir l'équipement numérique nécessaire aux institutions publiques telles que les écoles, les bibliothèques, les musées et les centres culturels, ainsi qu'à mettre en place des programmes de culture numérique. Ces lignes directrices - adoptées à ce jour par 145 États membres et l'Union européenne, dans le cadre de la Convention de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles - sont également soutenues par une « feuille de route ouverte » pour leur mise en œuvre.

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Les technologies numériques : une voie vers la culture

Les nouvelles technologies influent également sur la manière dont nous accédons - et participons - aux arts et à la culture. Tout d'abord, les technologies numériques ont des applications pour améliorer l'expérience des visiteurs tout en préservant les sites du patrimoine mondial pour l'avenir. Par exemple, les grottes de Mogao en Chine, un site du patrimoine mondial de l'UNESCO qui contient les plus grandes collections de peintures rupestres bouddhistes au monde, commençaient à se dégrader en raison du contact croissant avec les visiteurs. Un centre d'accueil des visiteurs ultramoderne a été construit, avec des répliques exactes des grottes, ce qui a permis de réduire considérablement le temps passé par les visiteurs dans le site d'origine. Dans un souci similaire de modifier l'expérience des visiteurs en matière de patrimoine culturel, la plateforme « Voyages du patrimoine mondial en Europe » présente 34 sites du patrimoine mondial moins connus de 19 pays de l'Union européenne afin de réduire la pression sur les sites les plus visités d'Europe et de partager les bénéfices du tourisme culturel de manière plus équitable et plus durable sur le plan environnemental et économique.

Les technologies numériques étendent les possibilités de médiation culturelle dans les musées et les bibliothèques. À l'avenir, l'utilisation de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée pourrait être étendue pour améliorer l'expérience du visiteur, en lui permettant peut-être d'explorer les sites du patrimoine mondial dans leur état d'origine, ou pourrait même un jour offrir des musées virtuels personnalisés. Le concernant la protection et la promotion des musées et des collections, leur diversité et leur rôle dans la société reconnaît explicitement les possibilités qu'offrent les technologies de l'information et de la communication aux musées en termes de «préservation, étude, création et transmission du patrimoine et des connaissances qui s'y rapportent» et invite les États membres à aider les musées à utiliser ces technologies. Cela pourrait permettre aux pouvoirs publics de surmonter le paradoxe de la transformation numérique, par laquelle certaines populations souffrent d'une exclusion accrue de la vie culturelle, par exemple en s'adressant à de nouveaux publics, tels que les jeunes, ou en améliorant les espaces de visite pour que les personnes handicapées puissent profiter du contenu. Un rapport publié en 2016 par l'Economist Intelligence Unit conclut que les musées, les galeries et les théâtres de nombreux pays ont fait des progrès considérables, par exemple en créant des sites web riches et conviviaux et en utilisant les médias sociaux pour élargir leur public. Toutefois, il reste des progrès à faire pour permettre aux mécènes d'interagir avec l'art et la culture, ainsi que des initiatives d'éducation numérique. Le rapport souligne que l'accès numérique stimule plutôt que de réduire l'engagement physique à l'égard des contenus culturels.

Les technologies numériques se situent également au carrefour entre la culture et l'éducation. Au plus fort de la pandémie de la COVID-19, alors que des centaines de millions d'élèves du monde entier étaient confinés chez eux, le matériel culturel s'est avéré essentiel pour continuer à apprendre, stimuler l'imagination et s'engager dans une réflexion critique. Le rôle de l'industrie de l'édition, les enregistrements audio de livres par des artistes et les ressources en ligne mises à disposition par les musées et autres institutions culturelles ont été mis en avant. En outre, l'internet offre des possibilités d'apprentissage tout au long de la vie sur le patrimoine et les arts, ouvrant ainsi des canaux de dialogue interculturel. Les technologies numériques s'avèrent également essentielles pour contribuer à l'éducation communautaire sur le patrimoine culturel immatériel. Par exemple, un visant à documenter les connaissances indigènes sur les plantes à usage médicinal, agricole, économique et religieux dans la communauté Subanen des Philippines a permis de garantir que ces connaissances ancestrales seraient disponibles pour les générations actuelles et futures en format multimédia.

Repousser les limites des politiques culturelles

Les ministères de la culture et les organismes culturels publics du monde entier ont connu des évolutions positives en vue d'adapter leur travail et répondre aux demandes de l'ère du numérique, bien que ce travail même si ce travail ne s'inscrit pas dans un plan national global de culture numérique. Plusieurs de ces initiatives se sont concentrées sur la modernisation de secteurs spécifiques, tels que le livre, la musique et le cinéma, ainsi que sur la mise à jour de la législation sur les droits d'auteur.Les statistiques culturelles restent extrêmement rares et très peu de pays collectent des informations sur la culture dans l'environnement numérique, telles que les revenus de la musique numérique. Sans données sur le secteur de la culture, il sera difficile de concevoir des politiques répondant aux besoins réels du secteur au niveau national, voire de mener des politiques contreproductives. Depuis le début de la pandémie, la collecte de données s'est accélérée, généralement par le biais d'enquêtes en ligne. Qu'il s'agisse d'un questionnaire d'une organisation de la société civile éthiopienne représentant le secteur de la musique ou d'une initiative sous-régionale majeure entre les ministères de la culture d'Amérique du Sud, ces données renforcent le dialogue avec les différents acteurs et entre les ministères - voire les pays - afin de créer des politiques plus souples et adaptées au contexte.

L'adaptation à la sphère numérique nécessite une collaboration plus approfondie entre les différents acteurs du secteur culturel pour coconstruire des solutions aux problèmes locaux. Le rapport « Repenser les politiques culturelles » de 2018, qui se concentre sur les industries culturelles et créatives, montre qu'il est «prouvé que les politiques numériques les plus efficaces - qui ont eu le plus grand impact sur le long terme et avec le plus faible investissement - ont été celles qui ont activement impliqué les entreprises privées et les organisations de la société civile travaillant avec des outils numériques dans leur conception et leur mise en œuvre». Compte tenu de la nature transversale de la culture, il existe de grandes possibilités de coopération avec les autorités responsables de l'éducation, du tourisme, du commerce, de l'innovation, de la santé et du bien-être social, ainsi que des relations diplomatiques ; grâce aux solutions numériques.

Les technologies numériques repoussent quotidiennement les limites du secteur culturel et sont là pour durer. Elles ont le potentiel d'impulser d'importants progrès pour le secteur culturel, en particulier en ce qui concerne la gestion du patrimoine culturel en garantissant la diversité culturelle et en étendant l'accès à la culture. Cependant, les défis posés par ces technologies restent importants. Le manque d'infrastructures numériques et la question du financement ralentissent la digitalisation du secteur culturel dans de nombreux pays, bien qu'un manque de sensibilisation aux avantages de la numérisation, tant chez les professionnels de la culture que chez les consommateurs, puisse également constituer un obstacle au progrès. Même lorsque les possibilités techniques existent, le manque de compétences numériques reste un obstacle majeur pour que ces technologies deviennent un outil puissant pour tous. En outre, la forte concentration de contenus culturels sur certaines plateformes et les menaces qui pèsent sur les moyens de subsistance des professionnels de la culture risquent également d'appauvrir la riche mosaïque culturelle représentée par l'ensemble de l'humanité : une mosaïque qui doit également se refléter dans le monde numérique. Négliger ces questions clés risque de saper fondamentalement les principes des droits de l'homme et de l'égalité d'accès à la vie culturelle, ainsi que la protection de la diversité culturelle et linguistique - principes qui sont au cœur même du travail des Nations Unies.

Seuls les États peuvent garantir que les technologies numériques travaillent pour le bien commun de toute la société. La pandémie a mis en évidence le rôle de l'État dans la réponse au besoin crucial de soutenir la recherche de pointe, de stimuler l'innovation dans le secteur de l'éducation pour le développement des compétences numériques, et de s'attaquer aux disparités de la diversité culturelle et de l'accès à la culture dans le monde numérique. Pour ce faire, il faut concevoir des politiques culturelles et des cadres réglementaires fondés sur les droits fondamentaux : liberté d'expression, respect de la diversité culturelle, droits économiques et sociaux des artistes et des professionnels de la culture, droits culturels collectifs des communautés minoritaires et accès à la culture pour tous, y compris les plus marginalisés. La recherche de solutions véritablement solides et durables nécessite une réflexion et un effort collectifs, par le biais d'un dialogue au sein des sociétés avec tous les acteurs et par le système multilatéral,afin que les nouvelles technologies soient développées pour tous et par tous.

Les technologies numériques sont des outils qui ont le pouvoir de transformer les sociétés. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à un choix important : investir de façon à ce que que la culture contribue à la construction de sociétés ouvertes, équitables, inclusives, prospères et pluralistes pour le bien commun des générations à venir.