Article
Édition spéciale n°5 : MONDIACULT 2022 à l'horizon
Le secteur culturel, plus que tout autre domaine politique, a la capacité de s'adapter dans le temps, en s’appuyant sur l’essence dynamique de la culture elle-même. Dans un monde fragmenté, instable et incertain, un dialogue multilatéral est aujourd'hui plus que jamais nécessaire pour répondre à des défis qui dépassent les frontières nationales. La culture forge un pont entre les peuples et les pays, offre une plateforme pour la résolution inclusive et collaborative de ces défis, et constitue la clé d'une plus grande compréhension mutuelle, ainsi que du renforcement de l'action mondiale basée sur les droits de l'homme et le respect de la diversité. C’est là l’essence même de MONDIACULT 2022.
MONDIACULT 2022 : Quels enjeux ?
Quarante ans après la première Conférence mondiale MONDIACULT, qui a réuni les ministres de la Culture à Mexico, MONDIACULT 2022 est l’occasion de faire le point sur les progrès accomplis, mais aussi de réfléchir aux défis actuels et de tracer une nouvelle voie. Au cours de ces dernières décennies, le paysage mondial des politiques culturelles a profondément évolué. Au niveau international, une nouvelle définition élargie de la culture a été adoptée et de nouveaux instruments normatifs ont été développés, fournissant des orientations politiques pertinentes en ce qui concerne le patrimoine vivant, le patrimoine culturel subaquatique, la créativité, le rôle des musées, la culture dans le paysage urbain et, surtout, l’importance vitale de la diversité culturelle. Au niveau national, contrairement à 1982, un grand nombre de pays ont aujourd’hui établi des ministères de la culture ou des institutions culturelles, et adopté des politiques culturelles. La valeur sociale et économique incontestée du secteur de la culture a fait évoluer son rôle, comme en témoigne l’investissement politique croissant dans le tourisme culturel ou la diplomatie culturelle, ou encore dans les approches nouvelles telles que l’alphabétisation culturelle. Si l’État reste au centre de l’élaboration des politiques publiques, de la garantie des droits fondamentaux et de la régulation du secteur culturel, d’autres parties prenantes engagées dans l’élaboration des politiques culturelles, des : gouvernements locaux aux organisations de la société civile, organisations sous-régionales et régionales et acteurs du secteur privé, ont également un rôle crucial à jouer.
En outre, au cours des dernières années, la culture s’est davantage inscrite dans des cadres et des débats politiques plus larges sur le développement durable, aux niveaux international, régional et local. La culture sous-tend les 17 Objectifs de développement durable, reflétant son impact sur l’ensemble du spectre des politiques publiques, de l’inclusion sociale à la croissance économique en passant par l’éducation, l’action climatique et les politiques urbaines. La participation de haut niveau au Forum des ministres de la Culture de l’UNESCO en 2019 a témoigné d’une volonté profonde des pays de réinvestir dans le dialogue politique mondial sur la culture pour le développement durable. L’inclusion inédite de la culture dans le programme du G20 entre 2019 et 2021, sous les présidences respectives de l’Arabie saoudite et de l’Italie, a constitué une avancée significative qui a conduit à la première Déclaration ministérielle du G20 sur la culture en juillet 2021. Les organisations régionales et sous-régionales ont également joué un rôle déterminant dans l’amplification de cette dynamique, notamment en soutenant le dialogue ministériel sur la culture régionale, la collecte de données, le suivi des politiques et le recueil de preuves, ainsi que les efforts conjoints de sensibilisation. Une résolution renforcée des Nations Unies sur la culture et le développement () reflète et amplifie l’engagement des pays dans les domaines des politiques publiques et de la culture, en intégrant celle-ci comme une dimension transversale dans le travail des agences, des fonds et des programmes de l’ONU.
MONDIACULT 2022 a deux objectifs spécifiques :
- Établir une feuille de route pour les politiques culturelles, qui intègre les grandes priorités des pays et promeut le rôle de la culture pour le développement durable ;
- Ancrer la culture comme bien public mondial dans l'agenda des politiques publiques et soutenir sa reconnaissance en tant qu'objectif de développement durable en soi, renforcer le dialogue multilatéral de manière continue et promouvoir une collecte de données efficace.
Une feuille de route pour les politiques culturelles
Dans la perspective de MONDIACULT 2022, les États membres et d’autres parties prenantes ont clairement exprimé la nécessité de développer des modèles innovants de gouvernance, les politiques publiques et les régimes économiques, les partenariats et les alliances, ainsi que les mécanismes de financement au sein du secteur culturel, afin de s’adapter aux réalités changeantes et de favoriser une plus grande flexibilité. Il a été souligné l’intérêt de renforcer l’engagement de la société civile dans les politiques culturelles, de même que l’implication des organisations intergouvernementales régionales, des banques de développement et des autorités locales.
Plusieurs priorités clés ont émergé :
L'importance de protéger et de promouvoir le patrimoine culturel pour l'identité, la cohésion sociale, la paix et la sécurité, d'autant que la culture est de plus en plus prise entre deux feux dans les conflits. Les États membres ont souligné la nécessité de mettre en place des mesures transnationales concertées et des actions coordonnées pour faire face aux menaces qui pèsent sur le patrimoine culturel matériel et immatériel, en particulier le pillage et le trafic de biens culturels, et la destruction et l’utilisation abusive du patrimoine culturel et des savoirs traditionnels des peuples autochtones.
Adapter les politiques culturelles à la transformation numérique. Il s’agit notamment d'exploiter les opportunités offertes par la transformation numérique dans tous les domaines culturels, y compris pour la promotion d'un meilleur accès à la culture, l'appui à la documentation et à la sauvegarde du patrimoine culturel, et la promotion de l'innovation dans les domaines créatifs, et aussi de relever les défis de la diversité culturelle et linguistique en ligne, de la juste rémunération des artistes, et des cadres de la propriété intellectuelle. Les États membres et d’autres parties prenantes ont appelé à l’adaptation des normes et des cadres réglementaires, aussi bien dans le cadre des politiques culturelles qu’au-delà , et ce aux niveaux national, régional et international.
Systématiser davantage l’enseignement et la formation techniques et professionnels (EFTP) pour la professionnalisation des acteurs culturels, en s'appuyant notamment sur les conventions culturelles de l'UNESCO, les mécanismes de conseil sur les politiques, ainsi que les orientations méthodologiques sur l’institutionnalisation de l’éducation et de la formation dans les emplois et les programmes d’enseignement liés à la culture, afin de solidifier le patrimoine et les secteurs créatifs.
Investir davantage dans la collecte, la production et l’analyse de données pour éclairer les politiques publiques et mesurer la contribution de la culture au développement durable. Cela implique de renforcer les outils statistiques culturels (notamment les instruments comparables à l’échelle internationale), de promouvoir une collecte de données et un suivi systématiques dans des domaines clés tels que l’emploi dans le secteur culturel (y compris informel), et de promouvoir la recherche et la consolidation des connaissances sur la culture et le développement durable.
Ancrer la culture dans l’agenda mondial des politiques publiques
En dépit des preuves accumulées au cours des dernières décennies attestant de l’influence de la culture sur l’ensemble du spectre des politiques publiques, les politiques culturelles sont restées relativement isolées des autres domaines politiques. Au cours du processus consultatif, les pays ont évoqué l’intégration transversale progressive de la culture dans les politiques publiques, notamment l’éducation, l’action climatique, la réduction des risques de catastrophe, le tourisme, l’emploi et l’urbanisme, mais ont exigé un dialogue et un soutien plus importants pour assurer une cohérence politique plus forte, tant au niveau national que régional. La dernière Décennie d’action pour la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030 ayant été entamée, la nature transversale de la culture et son effet transformateur seront essentiels pour combler les lacunes de mise en œuvre et façonner l’avenir du développement durable.
Souligner le rôle de la culture en tant que bien public mondial sera indispensable pour assurer un développement centré sur l’humain et basé sur la confiance et la solidarité morale. La réorientation des politiques publiques vers les biens publics mondiaux – un impératif récemment préconisé par le Secrétaire général de l’ONU dans le rapport « Notre programme commun » de 2021 – touche tous les domaines politiques, mais s’avère particulièrement pertinente pour la culture. L’une de ses recommandations est la préparation d’un « Sommet de l’avenir », prévu en 2023, pour favoriser la coopération et le dialogue multilatéraux. Ce sommet offrirait une occasion idéale de promouvoir la culture en tant que bien public mondial, compte tenu de ses multiples avantages sociaux, économiques et environnementaux et de son effet transformateur sur les sociétés dans leur ensemble.
Au-delà des grandes évolutions conceptuelles, le rôle de la culture dans plusieurs domaines clés des politiques publiques a été mis en évidence :
Tirer parti de la culture pour favoriser une croissance économique inclusive et lutter contre les inégalités, notamment par le biais de l’économie créative et du tourisme culturel, en particulier pour les groupes vulnérables. En plus de soutenir les droits des professionnels directement employés dans le secteur culturel, les pays élaborent également des politiques visant à promouvoir des modèles de tourisme culturel inclusifs et, socialement et écologiquement responsables. La culture contribue également à un plus grand bien-être sociétal, en préservant les droits et les avantages culturels liés à un travail décent et à la pleine participation et jouissance de la culture.
Renforcer les liens entre culture et éducation pour tous afin de soutenir l’essor de la société de la connaissance et de façonner la citoyenneté mondiale. En plus de renforcer les compétences nécessaires dans le secteur culturel lui-même, la culture offre des opportunités de développer une éducation de qualité en enrichissant les contenus éducatifs et en renforçant les compétences pour le 21ème siècle, y compris la pensée créative et le dialogue interculturel. Dans un contexte où les sociétés sont de plus en plus interconnectées et multiculturelles, l’éducation culturelle et artistique contribue également à la reconnaissance de la diversité culturelle comme une force de dialogue, de paix et de stabilité. Les États membres sont particulièrement intéressés par le rôle éducatif des espaces et institutions d’éducation non formelle – tels que les musées et les sites patrimoniaux – dans le développement des compétences et des comportements qui favorisent le développement durable.
Mettre à profit la culture pour l’action climatique, à travers le patrimoine culturel, naturel et immatériel, réservoir inexploité de réponses aux problèmes liés au climat, ainsi qu' à travers la créativité pour façonner les discours et l'action sur le changement climatique. Alors que les effets du changement climatique sur la culture sont bien médiatisés, les États membres exigent des directives supplémentaires pour capitaliser sur les sites désignés par l’UNESCO (biens du patrimoine mondial, réserves de biosphère et géoparcs), afin de tester les stratégies d’adaptation et d’atténuation du climat ainsi que les stratégies de préparation aux risques de catastrophe. Ils demandent également des orientations supplémentaires pour pouvoir intégrer le patrimoine vivant – sous la forme de savoirs locaux et autochtones – dans les politiques publiques transversales (ex. : stratégies de résilience et d’adaptation qui intègrent les mécanismes traditionnels de sécurité alimentaire et les techniques de gestion de l’eau et des terres).
Programme détaillé provisoire de la Conférence UNESCO-MONDIACULT 2022.
Ce programme sera régulièrement mis à jour à l’approche de la Conférence et publié sur le site Web du MONDIACULT 2022.
Sessions thématiques
1 – Des politiques culturelles renouvelées et renforcées
Cette session thématique abordera les enjeux structurels liés à l’adaptation et à la mise en œuvre des politiques culturelles face aux enjeux contemporains. Parmi les axes stratégiques d’un secteur marqué par l’impact inégal de la transformation numérique, figurent la nécessité de réaffirmer l’urgence de protéger et promouvoir la diversité culturelle, en plaçant les droits culturels, l’égalité d’accès à la culture, la cohésion et l’inclusion sociale au premier plan. Dans un contexte où le secteur culturel a subi de plein fouet l’impact de la pandémie de COVID-19, seront abordés notamment les cadres, mesures et outils de politiques publiques destinés à renforcer la résilience du secteur, en particulier concernant les conditions socio-économiques des artistes et professionnels de la culture et à réinvestir dans le secteur culturel, en diversifiant les sources de financement. Une approche intégrée, englobant l’ensemble de ces priorités, pourrait permettre de repositionner la culture en tant que bien public.
2 – La culture pour le développement durable
L’approche transversale de la culture – qui fait l’objet de cette session thématique – invite à revisiter les politiques culturelles en faveur de cadres législatifs et opérationnels coordonnées et d’une gouvernance plus agile et transversale, ainsi qu’à renforcer, documenter et mesurer les liens entre la culture et d’autres domaines des politiques publiques, tels que l’éducation, l’action climatique, ou encore le développement urbain. Une telle approche multidisciplinaire nourrit également le plaidoyer international en faveur de l’intégration de la culture de manière transversale dans les politiques publiques et de son rôle transformateur pour le développement social, économique et environnemental. Une coopération internationale et multilatérale accrue à travers un dialogue permanent sera essentielle pour atteindre ces objectifs.
3 – Le patrimoine et la diversité culturelle en crise
Le patrimoine et la diversité culturelle sont soumis à des menaces croissantes, notamment face aux situations de crise, de conflit et aux risques naturels dont l’impact conjugué entraîne une fragilisation des écosystèmes culturels.Ces défis invitent à renforcer et adapter les cadres et outils de politiques culturelles, y compris au travers des conventions culturelles de l’UNESCO, afin de garantir une sauvegarde effective du patrimoine culturel au service des communautés, de renforcer la lutte contre le trafic illicite des biens culturels, d’accompagner le dialogue en faveur du retour et de la restitution des biens culturels, de privilégier la gestion et la prévention des risques et systématiser la documentation du patrimoine – y compris par le biais des nouvelles technologies – ou encore de faire face aux défis de la diversité culturelle et linguistique, et promouvoir la participation active des communautés et des peuples autochtones.
4 – L’avenir de l’économie créative
L’économie créative dont la croissance accélérée ouvre des perspectives considérables en termes d’emploi, en particulier pour la jeunesse, offre un tremplin pour l’innovation, en créant les conditions nécessaires à l’essor des industries culturelles et créatives, à la sauvegarde du patrimoine matériel et vivant, à la promotion de la diversité des expressions culturelles et au développement d’un tourisme culturel durable. Dans ce contexte, l’investissement en faveur de l’éducation et de l’adaptation des compétences des professionnels de la culture, notamment dans l’environnement numérique – mais également le renforcement des cadres et dispositifs nationaux et internationaux, constituent des axes prioritaires dans le contexte des politiques culturelles et publiques dans le but de garantir une redistribution équitable tout au long de la chaîne de valeur du secteur culturel.